mardi 30 novembre 2021

Le goût sucré des pommes sauvages

 


Je ne connaissais pas du tout l'oeuvre de Wallace Stegner et je ne peux que remercier les éditions Gallmeister d'avoir remis au goût du jour ce recueil de nouvelles : la couverture m'a fait de l'oeil il près d'un an et le livre attendait sagement dans ma PAL que je trouve le moment idéal pour l'ouvrir.


En glanant des informations sur l'auteur, je me suis aperçue que beaucoup d'écrivains américains d'envergure n'étaient que trop peu traduits.

Il est un des pionniers de l'école dite du Montana et chaque page du recueil en est un écho tant la nature tient le haut du pavé.


La première nouvelle éponyme du recueil, « Le goût sucré des pommes sauvages » m'a emmenée dans le Vermont au cœur d'une campagne au charme d'antan semblant abandonnée de tous, la mécanisation à grande échelle de l'agriculture a eu raison du monde rural. La porte de sortie est l'exode. Dans cette nature solitaire, Ross, un peintre de paysage, et Margaret roulent au gré de la route illuminée par la splendeur des couleurs de l'automne, et ont la surprise de rencontrer une femme et sa fille, rescapées de la fuite vers l'ailleurs. La jeune fille étrange les conduit dans un verger magnifique où les pommiers croulent sous les fruits. Une rencontre du troisième type au cours de laquelle la nature dispense toujours ses richesses à qui sait les trouver et apprécier.

Ce coin de campagne est un peu un « wild wild west » à deux encablures de New York city.


« Jeune fille en sa tour » est un deuxième voyage mémoriel, celui d'un homme qui découvre que l'immeuble dans lequel il passa une folle époque de sa jeunesse est devenu la propriété d'une entreprise de pompes funèbres : sa vieille tante repose en attendant les funérailles.

Soudain c'est l'Amérique d'avant le krach boursier, celle de l'insouciance et de toutes les extravagances. Salt Lake City, un rêve américain des grands espaces. Tout y fut grand les fêtes, les folies, les espoirs et les déconvenues. La nature laisse passer les caravanes humaines, goguenarde ou blasée : elle sait qu'elle demeure.


« Guide pratique des oiseaux de l'ouest » est une nouvelle savoureuse à souhait. Un critique littéraire à la retraite se retrouve coincé dans une soirée un brin snob, en Californie, l'état de toutes les excentricités et des tocades.

Joe observe les invités, les hôtes et l'artiste pour lequel la soirée est organisé avec l'oeil d'un ornithologue : la volière s'ébroue, jacasse, pépie, piaule ou caquète. On y fait le paon ou on se fond dans l'environnement. Le jeune pianiste est-il un passereau digne d'intérêt ou sans grand talent ? Les places au soleil de la célébrité sont rares et chères au point qu'un pieu mensonge sur ses origines pourrait paraître véniel. Or le ramage usurpé ne trompe pas l'ornithologue avisé.

Un regard doux amer sur un american dream souvent difficile à atteindre.


« Fausses perles pêchées dans la fosse de Mindanao ». Un attaché culturel d'ambassade américain se retrouve au cœur d'un duo amoureux mené de main de maître par la femme écrivain. L'exotisme des traditions de Manille est le prétexte de montrer combien les liens peuvent être complexes entre nature et culture, entre hommes et femmes, entre l'étranger et l'autochtone. La Conquête de l'ouest a franchi le Pacifique pour se perdre dans les îles aux allures paradisiaques. Le héros est un tantinet blasé, revenu de tout qui pourtant parvient à être surpris par la manière extraordinaire avec laquelle l'écrivaine a réussi à reconquérir l'amant inconstant.


« Génèse » dernière nouvelle du recueil qui aurait pu être un court roman. Un jeune Anglais part aux Etats Unis pour devenir cow-boy. Il est embauché pour redescendre un troupeau, pâturant dans les plaines du Montana, jusqu'au ranch du propriétaire.

Il découvre l'âpreté sauvage de la condition de cow-boy, la promiscuité entre les hommes, leur solidarité, leurs coups de gueule, leur philosophie et leur respect envers ceux qui résistent au labeur parfois inhumain.

Les grands espaces sont merveilleux sous un ciel d'été et deviennent l'antichambre de l'enfer lorsque les éléments se déchaînent.

« Génèse » est un court roman dit western aux accents du texte fondateur de l'Ecole du Montana qu'est la série de quatre romans « The Big Sky » d'A.B. Guthrie.

La description des paysages, dans la tourmente ou non, est somptueuse et d'une grande poésie. En quelques phrases, on se retrouve aux côtés de ces cow-boys, dans une nature d'une beauté à couper le souffle. La liberté sans limite où que se porte le regard de l'homme.

Une aventure initiatique pour le jeune héros surnommé Rusty en raison de sa chevelure rousse. Il part pour une quête de soi, pour connaître ses limites et vivre un peu de la vie de pionnier.


Cinq nouvelles choisies par l'auteur pour un voyage au cœur des mémoires d'une Amérique que l'on idéalise certainement et dont on rêve toujours. Les Etats-Unis ce pays continent où l'horizon est plus vaste qu'ailleurs, où l'infinitude en devient presque enivrante.

A découvrir en s'imaginant au coin d'un feu crépitant, dans un fauteuil à bascule, un soir d'hiver dans une ferme du Montana ou des Appalaches (je sais, c'est un grand écart géographique).

Traduit de l'américain par Eric Chédaille


Quelques avis :

Babelio  Sens critique  Hélène  Marilyne

Lu dans le cadre





2 commentaires:

rachel a dit…

ooohhh j'adore ta banniere....ooohhh et tout un auteur a decouvrir avec ces nouvelles...;)

Antigone a dit…

Je ne connaissais pas du tout cet auteur. Oui ces éditions ont des couvertures sublimes.