Un homme d'une cinquantaine d'année s'interroge sur le sens de la vie, sur le sens de sa vie. Depuis huit ans il n'a pas touché une femme, depuis son divorce. Trois femmes comptent dans sa vie, trois Gudrun, sa mère, son ex-femme et sa fille.
Jonas Ebeneser a pourtant une passion : celle de restaurer, réparer et retaper les meubles, les pièces ou les objets qui ne se portent pas bien. Bientôt, il ne trouve plus de réconfort à réparer les choses, la crise existentielle de la cinquantaine frappe à la porte de son âme.
Il décide d'en finir puisque les trois femmes de sa vie ne semblent faire que peu de cas de lui et de ses questionnements. Il liquide son entreprise, prend un minimum d'affaires, ses outils les plus utiles, dont sa perceuse, et un billet d'avion pour un pays en guerre pour mettre fin à ses jours, disparaître sans laisser de trace.
Sauf que...
Le pays ravagé par la guerre connaît une trêve, l'hôtel « Silence » où il a réservé une chambre pour quelques jours, renaît doucement de ses cendres grâce à l'opiniâtreté des neveu et nièce, Fifi et May, de la propriétaire.
La ville balnéaire panse ses plaies comme elle peut, tente de vivre normalement depuis que les démineurs ont rendu sûrs quelques quartiers, Jonas est un des trois touristes accueillis par l'Hôtel Silence, annonceur d'une possible embellie sur un pays en ruines.
Jonas prend peu à peu conscience que tout est à réparer, retaper ou restaurer dans la ville et surtout dans l'hôtel.
Il commence par rendre fonctionnelle la douche de sa chambre ce qui n'échappe pas à May. Un lien s'instaure entre Jonas et les jeunes gens au point qu'il cède à leur demande d'aide pour remettre en état les chambres de l'hôtel.
Puis ce sera le pont, fragile, jeté entre lui et Adam, le jeune fils de May, orphelin de père et muet. Un jour, Jonas, dans la réserve de l'hôtel, trouve un cahier de coloriage et ses crayons de couleur. Adam couvre des pages entières de rouge et de noir jusqu'à ce que les crayons s'amenuisent. Ses dessins deviennent plus organisés et colorés, comme s'il reprenait goût à la vie et à ses couleurs. L'embellie après avoir exorcisé ses peurs par ses gribouillages violents.
Ainsi Jonas parti loin de chez lui pour disparaître à jamais, se remet à exercer sa passion, qui là devient nécessité, de restaurateur, de réparateur d'objets brisés. A chaque fois qu'il remet en fonctionnement quelque chose, qu'il répare un meuble, qu'il réhabilite les pièces d'une maison qui accueillera des femmes qui ont tout perdu, c'est un être humain qu'il reconstruit, c'est une vie brisée qu'il remet debout … et c'est un peu des morceaux de lui-même qu'il recolle.
« Ör » est un roman, non pas initiatique, de la réparation, du retour sur soi et de la reconstruction de soi. On se perd pour mieux se retrouver dans un endroit perdu, laminé et brisé par les horreurs d'une guerre civile qui rendit ennemis les voisins, les amis.
Audur Ava Olafsdottir relate, avec une délicatesse empreinte de poésie, le cheminement d'un homme à la recherche d'un sens à sa vie. Il pense l'avoir perdu et en pratiquant, à sa manière, l'art du kintsugi, art ancestral japonais de réparation des « blessures » des objets avec de la poudre d'or, les mettant en valeur pour les magnifier, approche au plus près la quintessence de la vie en soulignant les blessures reçues. Ör en islandais est un terme neutre qui veut dire cicatrice, toute sorte de cicatrices, ce qui renforce encore plus l'histoire du personnage principal.
Le nymphea tatoué sur la poitrine de Jonas en sublime la blessure, les réparations discrètes, mais ô combien vitales, des objets du quotidien, soulignent que ce qui a été détruit peut reprendre « vie » et que mourir n'est jamais urgent.
J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteure dont je n'avais encore rien lu. La poésie est toujours présente, dans la plus banale description, dans le détail infime, ce qui apporte une intensité sublime au roman.
« Ör » est un roman très beau et envoûtant.
Traduit de l'islandais par Catherine Eyjolfsson
Quelques avis :
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2 commentaires:
j'ai beaucoup aimé certains de ces romans aussi !
J'ai trouvé à la médiathèque deux autres romans d'elle: "Le rouge vif de la rhubarbe" et "Rosa candida" que j'emprunterai plus tard.
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