C'est l'histoire d'une obsession, celle du Führer, lui qui veut bâtir un Reich qui durera au moins mille ans. Un Reich débarrassé des races impures grâce au programme des Lebensborns.
Entre 1935 et 1945, le Troisième Reich et ses SS orchestreront les tentatives de création d'une « race supérieure de germains nordiques ». Toute femme allemande devra offrir son premier enfant au Führer puis le laisser aux bons soins d'un établissement du Lebensborn.
Max, le héros du roman de Sarah Cohen-Scali, raconte sa vie de la naissance à la défaite de l'Allemagne nazie.
L'histoire est glaçante et cruelle dont le ton est donné dès les premières lignes :
« 19 avril 1936. Bientôt minuit. Je vais naître dans une minute exactement. Je vais voir le jour le 20 avril. Date anniversaire de notre Führer. Je serai ainsi béni des dieux germaniques et l'on verra en moi le premier-né de la race suprême. La race aryenne. Celle qui désormais régnera en maître sur le monde. Heil Hitler! »
J'avais lu en 2015 « Kinderzimmer » de Valentine Goby, récit poignant et bouleversant sur les pouponnières au cœur des camps de concentration, je n'ai pu m'empêcher de penser que « Max » était le roman d'une autre atrocité nazie.
Max sait que le Führer veut des Allemands parfaits et dès sa naissance fera tout pour être un bébé puis un enfant modèle afin de ne pas être « désinfecté », mot codé pour euthanasier, parce que malgré les sélections drastiques du programme d'Himmler, la perfection n'est pas toujours au rendez-vous.
Max-Konrad est arraché à sa mère pour être confié à une nourrice : la séparation s'effectue dans la douleur intestinale responsable d'une perte de poids au risque d'être « désinfecté ». Konrad est un dur à cuir, digne du plus bel acier Krupp, Konrad sort vainqueur de la perte de son cordon ombilical invisible. Un seul souvenir demeurera : une photo prise lors du baptême de Max, il pose dans les bras de sa mère aux côtés du Führer.
Notre très jeune héros se construit dans l'amour absolu envers le Führer et le Reich, dans le rejet de tout attachement affectif malgré tous les soins attentifs dont il est l'objet : il devient une vitrine probante du programme « Lebensborn ». Un incident sera utilisé pour en faire un héros. Encore nourrisson, il est enlevé par une détenue puis retrouvé, au bout de trois jours, déshydraté, presque à l'agonie, prisonnier de ses bras décharnés. La prisonnière avait-elle perdu un bébé à son arrivée au camp ? Son enfant a-t-il été mis dans une Kinderzimmer, attendant une mort inéluctable ? Sans doute... certainement.
Max est envoyé en mission en Pologne en tant que « rabatteur » d'enfants blonds aux yeux bleus, utilisables dans un des points du programme d'Himmler, la germanisation par l'enlèvement d'enfants que l'on confiera à de bonnes familles allemandes. Il apprendra le polonais, il sera témoin d'exécutions, de violences et connaîtra le début de la peur.
Il a un rêve : intégrer une école et pas n'importe laquelle, Kalisch, ancien monastère devenu établissement scolaire nazi, « l'école des enfants volés à leurs parents ». Il doit tenir le rôle du garçonnet polonais heureux de devenir allemand et montrer ainsi à ses camarades de classe apeurés le chemin à emprunter pour un avenir meilleur.
C'est là qu'il fera connaissance avec Lucjan (Lukas en allemand), jeune polonais rebelle et astucieux. Lukas sera un des grains de sable dans la belle machine nazie et Max sera aux prises avec les symptômes du traumatisme affectif subi lors de la séparation maternelle. Son draufgängertum, sa combativité, son esprit guerrier, doit être stimulé pour ne pas devenir mollasson, aussi devient-il de temps en temps téméraire au point de jouer avec sa vie.
Malgré ses efforts, Max s'attache à un camarade de classe, Wolfgang, qu'il verra tomber sous le coup de pistolet de leur éducatrice : le gamin n'avait pas salué assez vite un officier SS car il ne se souvenait plus des grades. Mort... Tot... Kaputt et Max apprend à vivre avec l'absence d'un être apprécié. Il a beau vouloir être un monstre, un vrai nazi, il a des failles qui le rendent attachant, un sacré paradoxe tout de même ! Il n'est et ne reste qu'un enfant avec un regard d'enfant.
Au fil des semaines, il s'attache à Lukas qui invente mille et une façons de se faire punir ou de tenter de mourir.
Ils sont enfin mûrs pour Napola, l'école réservée à l'élite du Reich. L'ironie de la situation éclate lorsque Lukas révèle sa judéité à Max qui ne le croit pas un seul instant. Or, c'est la vérité, une vérité dérangeante pour Max qui ne peut concevoir qu'un Juif puisse posséder toutes les caractéristiques des germains nordiques.
Peu à peu les masques tombent, le Reich est aux abois, les programmes s'effondrent et Berlin capitule.
Max, le prototype du Lebensborn, sauvé par Lukas le Juif, croisera la route d'une femme élégante et triste, porteuse d'une photo qui trouvera écho dans les souvenirs sensoriels de notre héros.
La défaite du Troisième Reich jettera sur les routes des milliers d'orphelins, des centaines de jeunes gens embrigadés dès leur plus jeune âge dans les rouages de l'idéologie nazie, des âmes perdues que les services sanitaires alliés tenteront de remettre debout.
« Max » est un roman qu'on ne veut pas lâcher malgré l'horreur du sujet : les camps de concentration ont dévasté physiquement des milliers d'hommes et de femmes, les Lebensborns ont dépouillé des milliers d'enfants de leur identité et de leur avenir. La sélection programmée d'un bout à l'autre de la chaîne de vie au prix d'une horreur indescriptible.
Un roman ado à lire absolument. Même si l'auteure n'épargne rien au lecteur : langage cru et scènes obscènes.
Quelques avis :
Babelio Histoire d'en lire Sophie Sens critique Ouvre-livre Livraddict
2 commentaires:
Oh oui un sujet aussi fort...cela me rappelle le film Jojo Rabbit (en plus drole le dernier mais tellement bien fait!)...une histoire a ne pas oublier
tout à fait Rachel.
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