La rentrée littéraire de septembre est tellement foisonnante que nous échappent, parfois, souvent même, de vraies pépites. Heureusement la sagacité des lycéens met en lumière des livres qui enchantent, remuent, secouent ou désarçonnent.
« Les impatientes » roman polyphonique dans lequel
le destin de trois femmes, deux adolescentes et une femme trentenaire. Elles
sont toutes les trois liées soit par le sang soit par les liens du mariage
polygame.
Ramla, Hindou et Safira vivent dans leur chair et dans leur
cœur les affres du mariage forcé : les deux premières voient leurs rêves
s'effondrer, la troisième sa quiétude de femme unique s'envoler.
Elles n’ont entendu qu’une seule antienne depuis toujours :
tu dois être patiente. Or, elles n’en possèdent plus : Ramla voudrait que
son père revienne sur sa décision, Hindou qu’on ne la jette pas en pâture à un
homme violent et Safira que son époux renonce à l’élixir de la jeunesse.
Derrière les murs des concessions, ces demeures des familles
aisées, se cachent des jeux de pouvoir et la détresse des jeunes filles aux
rêves tués dans l’œuf. « Munyal », tu es née fille tu vivras dans le « munyal »
jusqu’à ce que la mort te délivre.
Derrière les hauts murs des belles propriétés, les filles
deviennent les esclaves de leur époux, doivent servir leur co-épouse et
attendre le bon vouloir du maître de leur corps. Elles espèrent devenir mère à
défaut de recouvrer la liberté.
« Munyal »… patience ! Il est impossible d’aller
à l’encontre d’une loi édictée par le Tout-Puissant.
Les chemins se croisent, la vie des trois héroïnes ne sera
plus la même après heurts et éloignement. Cependant elles ont un point commun :
la révolte, celle qui fait brûler tous ses vaisseaux pour retrouver « l’avant ».
Elles refusent le sort qui leur est imposé par l’invocation de la fatalité d’être
une fille. Chacune à sa manière essaie de conserver l’espoir et sa dignité.
Ramla peut passer son bac avant le mariage, largesse
dispensée par son futur époux, la cinquantaine inquiète pour sa virilité. Quoi
de mieux qu’un bain de jouvence auprès d’une jeune vierge !
Elle rêvait de devenir pharmacienne aux côtés de son fiancé en
Tunisie, elle sera la seconde épouse d’un homme mûr et devra cohabiter avec une
co-épouse qu’étreint la jalousie et la colère d’avoir perdu son statut d’unique
femme.
Safira mettra en place mille et un stratagèmes pour se
débarrasser de sa rivale, se délectant d’élixirs, de filtres magiques récoltés
auprès de marabouts célèbres ou pas. Les croyances ancestrales la submergent jusqu’à
ce qu’elle comprenne que Ramla est aussi une victime, autant qu’elle-même.
Il y a des scènes savoureuses entre Safira et sa meilleure
amie préposée à l’obtention de la potion qui lui fera revenir l’amour
inconditionnel de l’époux. L’humour voile le caractère glaçant des situations
sans pour autant l’occulter.
Hindou boira le calice jusqu’à la lie : violences
conjugales, viols, humiliations qui la conduiront à fuir la concession, manière
pour elle de se rebeller contre l’ordre établi. Son chemin sera celui de la
folie, seule échappatoire d’une vie qui n’en est pas une. Son histoire est la
plus terrifiante des trois, on en sort glacé, tremblant et atterré.
Dans le cercle incessant du malheur d’être fille, d’être
femme, une lueur, faible et pourtant précieuse : Safira, après avoir
compris que sa rivale subit ce qu’elle vit, prend exemple sur elle et apprend à
lire et à écrire. Le savoir, la connaissance, premiers pas dans la maîtrise de
son destin.
Le roman « Les impatientes » est celui de femmes
qui ne se résignent pas même si les conséquences ne seront pas identiques. C’est
aussi celui d’un monde dominé de manière absolue par les hommes. Les femmes ne
sont là que pour leur « bon plaisir » et si elles n’obéissent pas dur
est le châtiment dispensé. Malgré les cris de douleur et de terreur personne ne
réagira parce que personne n’y trouvera à redire puisque la volonté du
Tout-Puissant est que la femme soit au service de l’homme. C’est ainsi et pas
autrement.
Malgré la noirceur d’une vie au cœur d’une cage dorée, une
brise souffle l’espoir d’une liberté. Un des frères de Ramla, qui lui a fait
rencontrer son amoureux, s’élève contre le mariage forcé alors que la main de
sa sœur était promise à son ami. Lui et son ami seront poursuivis par les deux
familles au point qu’ils n’ont pas d’autre solution que de fuir à l’étranger.
La brise ouvre le cœur des femmes qui relatent leur propre
histoire et s’aperçoivent qu’elle est identique à celle de l’autre, qu’elles
partagent les mêmes douleurs. Les prémisses d’une solidarité féminine posent
les premières pierres d’une lutte contre l’oppression.
« Les impatientes » roman d’une bataille pleine de
rage pour s’émanciper de l’oppression masculine. Les moyens peuvent sembler
dérisoires or ils sont très importants : apprendre à lire, à écrire et
conduire pour conquérir son propre destin ou s’enfuir rejoindre un frère avec
lequel la correspondance internet fut la corde de la délivrance. Seule Hindou
ne trouvera pas la force de sa sœur. Long est le chemin pour que les mentalités
changent et ouvrent les perspectives d’un autre possible.
« Les impatientes » est un roman-cri, un roman qui met
le lecteur dans la peau d’une femme battue et violée, qui le pose face à la complicité
familiale, la pire de toute en somme, qui le met face à la folie qui guette les
proies fragiles.
Et Djaili Amadou Amal se fait porte-parole de celles qui ne l’ont
pas, celles que l’on claquemure dans l’enfer de la soumission aux époux, pères ou
frères.
« Patience, mes filles ! Munyal ! Intégrez-la
dans votre vie future. Inscrivez-la dans votre cœur, répétez-la dans votre
esprit. Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle
est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku. Munyal, vous
ne devrez jamais l’oublier. Munyal, mes filles ! Car la patience est une
vertu.
- Dieu aime les personnes patientes. » dit mon père. »
(p83)
Quelques avis:
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3 commentaires:
Oh un livre pas pour moi...deja dans mes indiens, cela m'horripile cette histoire de mariage...pucha...on est au 21 siecle....bref...je passe....;)
Il n'empêche que c'est un excellent prix Goncourt des lycéens.
oh ouiii tout a fait....j'imagine qu'il est tres bien ecrit...mais le theme n'est pas pour moi...;)
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