« Jusqu'au milieu du XXe siècle, les tanukis, emprunts d'habitudes frivoles, partageaient aisément leur espace vital avec les paysans. Leur existence était douce et paisible.
J'ai quitté l'univers nostalgique de « Souvenirs goutte à goutte » pour entrer avec "Pompoko" dans celui, plus délirant, des tanukis, petits canidés ressemblant aux ratons laveurs.
Dans la mythologie japonaise, le tanuki est un des « yokai » (esprits) de la forêt.
Il existe chez les tanukis, comme chez les renards (ou kitsune), deux catégories : les tanukis dotés du pouvoir de transformisme et les autres. Les premiers organisent et orchestrent les ripostes jusqu'au bout de leurs forces et de leur espoir ; il leur en faudra beaucoup pour tenter de repousser l'expansionnisme des hommes.
Isao Takahata évoque la forte croissance démographique du Japon des années 1960 alors que l'emprise de l'occupation américaine disparaît peu à peu. Il n'y a pas assez de logements aussi le pays met-il sur pied des programmes de construction gigantesque induisant la destruction des paysages traditionnels d'une campagne grignotée au nom de la modernité.
Les années 60 amorcent ce qui ne sera qu'un moment M dans l'histoire occidentale, « Les trente glorieuses » époque au cours de laquelle les progrès technologiques, la demande exponentielle de produits de consommation, font oublier la symbiose entre l'homme et la nature.
Les anciennes valeurs ne pèsent pas lourd dans la balance économique et sont vite remisées dans les placards de l'Histoire : il n'est plus l'heure de respecter la nature et les divinités qui s'y rattachent, il est l'heure, pour l'homme japonais, d'avancer et d'oublier ses racines au nom du progrès.
D'ailleurs, quand les sages tanukis unissent leurs forces mentales pour organiser un défilé d'esprits et de figures mythologiques pour frapper les humains et leur faire comprendre que la coexistence des deux univers ne peut perdurer ainsi, les gens sont persuadés qu'il s'agit un défilé organisé par un parc d'attraction. Le combat des tanukis semble vain et voué à l'échec au point que pour survivre il n'y aura qu'une seule échappatoire : se déguiser en humain pour s'adapter à la vie citadine. Et les autres, que deviennent-ils ?
Dans la scène du bateau construit par un des Shikoku (maîtres, vénérés par les humains) survivants pour quitter le rivage hostile d'une contrée devenue inhabitable pour les tanukis, il y a un peu du départ, dans "Le seigneur des anneaux", des Elfes du Havre Gris pour rejoindre, sans espoir de retour, les Terres Immortelles. Les tanukis non transformistes s'exilent pour des terres inconnues. Est-ce la métaphore de la disparition des espaces naturels au profit délétères des espaces urbains ? Pour moi, c'est une évidence. Le départ des derniers tanukis est l'adieu à l'ancien Japon qui ne peut faire face à la marche de la modernité.
Ce que vivent les tanukis transformistes c'est ce que vit l'homme moderne exilé dans les villes, coupé de la nature malgré sa domination sur cette dernière.
L'espoir d'une prise de conscience est en gestation, ténu mais présent : un des tanukis-humains suit un soir un des siens pour s'apercevoir qu'ils se sont adaptés aux parcs au cœur de la ville nouvelle de Tama, près de Tokyo, et vivent leur vie insouciante de tanukis.
« Pompoko » est un film d'animation au rythme soutenu avec des clins d'oeil à l'histoire culturelle du Japon, entre combats de samouraï, de sumos, de super-héros de manga et et les allusions à Porco Russo, Totoro ou Kiki.
Takahata fait des tanukis de petits animaux dotés de multiples petits défauts, souvent adorables, qui les rendent attachants et sympathiques. On rit, on éprouve de la peine au fil des actions désespérées pour restaurer le monde ancien... on se dit, surtout, que le film est précurseur : aujourd'hui les trente glorieuses ne sont plus qu'un souvenir doux-amer laissant place à des enjeux gigantesques dont l'homme n'a pas encore pris la complète mesure. La nature, à un moment, à force de dévastations au nom d'un progrès de plus en plus illusoire, ne pourra que se rebeller et signifier à ses hôtes que la partie est finie.
Film à partir de 7 ans.
Quelques avis:
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4 commentaires:
Oh oui un film d'animations du moment...la disparition de tout, animaux, esprits pour la modernite...il doit etre bon oui
J'ai vraiment apprécié de film et c'est aussi une autre facette du talent de ce réalisateur.
Je l'ai vu deux fois déjà ! J'ai beaucoup aimé !
Je crois que c'est mon film préféré d'Isao Takahata. Je l'ai vu plusieurs fois. J'adore les tanukis (leurs différentes formes), la présence des Yôkai, le message sur l'écologie. Il est un peu long mais ça vaut le coup ! :)
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