Quand Monsieur Han décède, ses voisins s'aperçoivent qu'ils
ne savaient rien de sa vie, notamment qu'il avait été médecin à Pyongyang, une
famille qu'il dut laisser derrière lui dans le chaos aux abords du trente-huitième
parallèle, frontière entre le nord et le sud de la Corée.
Monsieur Han arrive sans un sou vaillant à Séoul et se
retrouve soupçonné d’être un espion à la solde des communistes du Nord. Il se
retrouve confronté à un univers de corruption où tout s’achète et se revend
sans état d’âme : il gère les opérations délicates d’une clinique dont les
deux associés n’ont quasiment aucune connaissance médicale.
Sa nouvelle vie aurait pu bien se dérouler, il avait
rencontré une jeune femme, mère d’un garçon, et pouvait se fondre dans la société
très suspicieuse de la Corée du Sud où toute personne venant du nord du
trente-huitième parallèle est un communiste déguisé en réfugié ; il avait
retrouvé sa sœur et renouait avec un semblant de famille. Or, il commit l’erreur
de s’attacher à la jeune femme rencontrée et de l’épouser alors qu’elle plaisait
à un des associés de la clinique ce qui ne fit pas de lui son ami.
Un soir, l’un des associés prend en charge, lors d’une
absence de Monsieur Han, un avortement alors qu’il n’en avait pas le droit. L’opération
tourne à la boucherie au point que Han ne peut que constater les dégâts :
il a fallu enlever l’utérus. C’est la dégringolade car Monsieur Han est le
parfait coupable aux yeux de la police et de la justice sud-coréenne.
Son séjour en prison le brisera et fera de lui un homme
mendiant du travail. Il en trouvera un : croque-mort, métier dont personne
ne veut. L’oubli de ses idéaux et de ses espoirs perdus se fait dans l’alcool
dont il se nourrit et dont il mourra.
Le destin de Monsieur Han est celui de milliers de Coréens ballotté
dans les remous du conflit entre les deux Corées subissant l’influence
soviétique pour l’une et l’influence nord-américaine pour l’autre.
Monsieur Han est l’anti-héros, refusant toutes les
compromissions ou mensonges quitte à en subir les conséquences. Un poignant Candide
malgré lui.
Sok-yong Hwang raconte l’histoire mouvementée et douloureuse
d’un pays déchiré par une séparation inhumaine de son territoire en deux
entités qui s’affrontent.
Il n’y a pas de pathos dans le roman, les faits sont relatés,
sans en ajouter, ils se suffisent à eux-mêmes. On ne peut s’empêcher de penser
aux nombreuses images du fameux « no man’s land », dite zone coréenne
démilitarisée, au bord duquel les familles séparées accrochent des messages ou
des prières, espérant qu’un jour la réunion des deux Corées se fera.
J’ai apprécié le ton du roman, le choix du personnage,
brillant gynécologue, professeur à l’hôpital de Pyongyang, estimé et peu à peu
mis sur la touche parce que ne montrant pas beaucoup de convictions
communistes.
Par petites touches efficaces, l’auteur décortique le
mécanisme de la machine infernale de l’Histoire qui broient les destins pour réduire
les hommes en charpie tant physique que psychologique.
Un très beau roman sur une page tragique de l’histoire coréenne.
Traduit du coréen par Mi-Kyung Choi et Jean-Noël Juttet
Quelques avis :
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2 commentaires:
Je me demande si je l'ai dans ma PAL....je voulais le lire a un moment donne...tu me donnes plus envie
Rachel, c'est un roman qui vaut le détour et qui explique bien ce pan de l'histoire coréenne. Je n'en ai pas parlé dans mon billet, les camps de réfugiés sont évoqués, sans pathos également, lorsque la soeur de Monsieur Han le recherche.
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