Les étapes indiennes sont une mine de lectures à découvrir et
à partager. Elles permettent, en plus, de diminuer sa PAL quand une lecture
commune a lieu pour « fêter » la date d'indépendance du Pakistan, le
14 août 1947.
Bina Shah, l'auteure, vit à Karachi, ancienne capitale du
pays, située dans la région historique du Sindh.
Automne 2007, Benazir Bhutto revient au Pakistan après sept
ans d'exil, Ali Sikandar, étudiant le soir et reporter le jour pour nourrir sa
famille, est envoyé par sa rédactrice en chef à Karachi pour couvrir
l'événement.
L'action du roman se déroule entre le retour de Benazir
Bhutto et l'attentat de décembre 2007 qui lui coûtera la vie.
Ali est un témoin privilégié du retour de l’ancienne Premier
Ministre, conspuée par les uns et vénérée par les autres car porteuse d’un
espoir immense pour le pays. Il oscille entre doute et espérance, entre partir
étudier aux Etats-Unis, une forme de fuite, et rester pour assumer ses
engagements familiaux et contribuer au redressement du Pakistan, lui l’héritier
d’une longue lignée de féodaux.
Il est amoureux de Sunita, une jeune étudiante hindou, et
tait sa liaison pour ne pas affronter les reproches de sa famille : cela
ne se fait pas de fréquenter une hindoue. Les traditions sont lourdes à
supporter d’un côté comme de l’autre, la mixité religieuse dans les unions ne
sont guère prisées.
Au fil des reportages, Ali va comprendre que l’enjeu
politique est de taille au point de s’engager dans les manifestations protestant
contre l’état d’urgence décrété par l’armée. Au cours de l’une d’elle, à
Islamabad, il sera pris dans un affrontement sanglant avec la police
anti-émeute, et se retrouvera en prison. Alors qu’il n’a plus parlé à son père
depuis que ce dernier a quitté sa mère pour fonder une nouvelle famille, un des
gradés, en entendant son nom, lui dit qu’il est sous l’obédience de son père et
lui demande de l’appeler pour ainsi le libérer. Ce qu’il fait, brisant des
années de silence et d’incompréhension.
Ali est représentatif d’une jeunesse pakistanaise dont le
désir d’émancipation est immense : la rigidité des traditions pèse sur la
vie quotidienne des gens qui n’ont que peu de choix. Il aime une jeune fille
non musulmane, il souhaite partir étudier à l’étranger et ne plus subir les
restrictions au quotidien. Malgré sa défiance quant à la capacité de Benazir
Bhutto de redresser le pays et de le faire entrer dans la modernité et la
croissance économique, Ali, en observant autour de lui les gens et en côtoyant ceux
qui n’acceptent pas la botte armée, portera un autre regard sur cette femme qui
ne renonce à aucun de ses idéaux. D’autant plus qu’il comprend le lien existant
entre sa famille et les Bhutto… les roses de leur jardin depuis longtemps
fanées et conservées entre les feuilles d’un livre. Il verra en elle l’espoir d’une
nation, un espoir qui hélas sera étouffé dans l’œuf, une fois encore.
Ce qui m’a touchée dans ce roman, ce sont les subtils
allers-retours entre passé et présent, le premier apportant toujours un élément
de compréhension du second. Le passé, aux multiples facettes, est évoqué comme
un plan de plus en plus serré sur le Sindh : des origines jusqu’au jardin
des Bhutto où la jeune Benazir va se recueillir auprès des roses tant aimées de
son père, jusqu’à la scène dans laquelle Pinky, alias Benazir enfant, se fait
prédire l’avenir par un parrot master, un diseur de bonne aventure, qui voit en
elle la huitième reine.
Le passé éclaire le présent tragique du Pakistan en un chant célébrant
une région, le Sindh, terre de convoitise en raison de ses richesses, terre de
déchirements en raison des convoitises qu’elle suscite.
Bina Shah, au gré des chapitres, décrit un pays riche des
figures politiques, spirituelles et artistiques qui ont forgé, au fil des
siècles, l’identité du Sindh.
« La huitième reine » est un roman qui met en
miroir la révolution personnelle du jeune Ali avec la roue d’une histoire
millénaire au cours d’une très belle fresque historique.
Une lecture commune en compagnie de Rachel, Hilde et Pati
Traduit de l’anglais (Pakistan) par Christine Le Bœuf.
Quelques avis :
4 commentaires:
Oh oui toute une fresque pour entrer dans ce pakistan si loin....j'ai vraiment aime aussi
En effet, une belle fresque qui nous aide à comprendre le présent pakistanais.
Un très beau voyage littéraire.
Je l'ai ajouté à ma liste ! Vous me tentez bien avec vos avis! :)
J'ai beaucoup aimé !
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