Voltaire a écrit « Candide » pour se distraire et l'a publié anonymement à Genève afin de déjouer la Censure. Très vite, le conte philosophique fut un grand succès. Il faut dire que le texte est plein d'humour et que Voltaire manie avec virtuosité l'ironie et la satire des travers de la société. Le parti pris du conte philosophique est un moyen de faire passer ses idées de façon plaisante : l'utilisation des ressorts du conte permet de semer les graines de la réflexion sur les concepts philosophique comme le bien et le mal ou le libre arbitre est-il illusoire ou réel.
Ainsi, trouverons-nous des propos politiquement incorrects sur l'armée « Un million d’assassins enrégimentés, qui exercent le meurtre et le brigandage avec discipline. » (chapitre XX) ou sur l'esclavage lorsque en Paraguay il rencontre de pauvres hères mutilés « C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. », une absurdité du mal dans le monde, ou encore sur la religion, contre laquelle Voltaire a la dent dure, « Des moines qui enseignent, disputent, cabalent, et font brûler les gens qui ne sont pas de leur avis. » la scène de l'autodafé est jubilatoire.
Chaque (més)aventure de Candide est une porte ouverte vers un
questionnement. Est-ce que, comme l'affirme Pangloss, le précepteur adepte de
l'optimisme, « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes
possibles » ? Est-ce que chaque événement a une conséquence induite
remettant tout à sa place ?
Chaque déconvenue apporte une pierre au moulin de Voltaire, à
savoir que l'obscurantisme, l'ignorance et la superstition font obstacle à la
raison et donc à la possibilité pour tout un chacun d'user de son
libre-arbitre. En cela, il s'oppose à la philosophie optimiste de Leibnitz dont
il est le pourfendeur. En effet, l'optimisme philosophique prône l'organisation
du monde, le plus parfaitement possible, par la Providence : le mal
existe, mais c'est un mal nécessaire qui provoque toujours plus de bien par
ailleurs. Or, pour Voltaire cette attitude ne peut qu'être mortifère car elle
provoque l'inaction face au mal par fatalisme, c'est comme ça, on n'y peut
rien, cela devait arriver.
Chaque pas hors du jardin d'Eden que fut le château de
Thunder-ten-tronckh, mène Candide dans un monde où les théories optimistes sont
battues en brèche plus souvent qu'à leur tour.
Chaque rencontre rocambolesque faite par Candide est une
étape de son parcours initiatique qui l'amènera, du moins c'est ce qui est
espéré, à ouvrir les yeux sur le monde et à se rendre compte, grâce à sa raison
et son intelligence, que le mal doit être combattu tant par les actes que par
l'éducation et le savoir, que le bien n'est pas toujours universel et que cette
gageure est loin d'être facile à mettre en place.
A chaque fois, Candide remet en cause ses idées philosophiques et les fait évoluer en mieux : il apprend des autres et ses expériences l'amènent à améliorer ses idées et pensées. Contrairement à Pangloss qui ne démord pas de sa philosophie initiale, s'appuyant sur des arguments d'autorité « selon le rapport de tous les philosophes » et non sur des idées personnelles. Pangloss ne cherche pas à quitter sa caverne confortable contrairement à Candide qui, malgré les remises en cause de son Eden, va de l'avant, expérimente à ses dépens mais évolue et construit une pensée fondée sur la réflexion à partir d'éléments contradictoires et affermir ainsi son jugement.
« Je sais aussi qu'il faut cultiver son jardin »
montre combien Candide n'est plus le jeune homme naïf en fuite, pourchassé,
malmené, mais un jeune homme qui a ouvert les yeux et sait penser et raisonner.
Il met en place une petite société en fédérant ceux qui l'accompagnent, en donnant le meilleur d'eux-mêmes par le travail et grâce à leurs propres capacités. Nul besoin de mondanités, de grands groupes pour briller, non, cultiver son jardin est un appel à vivre de manière modérée, ce qui éloigne les principaux maux. Ce n'est pas non plus le « pour vivre heureux, vivons cachés » mais plutôt pour vivre heureux, raisonnons loin des passions de ce monde, raisonnons avec sagesse et en se confrontant aux diverses idées pour établir son jugement.
Avec « Candide ou de l'optimisme », Voltaire met un coup de pied dans la fourmilière des bien-pensants, des idées préconçues qui enferme l'esprit au lieu de le laisser bâtir ses raisonnements. Il distribue coups de griffes et morsures aux superstitions religieuses, obstacles aux Lumières voulant libérer l'esprit de l'homme de ces entraves.
« Candide » est un texte moderne, visionnaire et
jubilatoire à lire.
5 commentaires:
Je ne me souvenais plus qu'il avait été écrit sous le manteau.
Je garde un beau souvenir de ce roman que j'avais trouvé très accessible.
Relire ta chronique me renvoie sur les bancs du lycée... J'avais adoré étudier ce livre.
Je n'avais jamais été particulièrement tentée par ce livre, maintenant je pourrais bien lui donner sa chance ;-)
Oh oui je l'avais etudie au lycee....j'en garde un tres bon souvenir....vraiment mythique
J'avais lu ce texte au lycée et, comme d'autres, j'avais adoré l'étudier. Je l'avais trouvé jubulatoire. J'aimerais prendre le temps de le relire, tiens ! Ta chronique m'y incite fortement !
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