L'auteur sera l'invité de la librairie
Mots et images, lieu chaleureux, convivial où le plaisir de partager
ses lectures est palpable.
Je n'ai jamais lu ce jeune auteur et
pour ne pas être complètement béotienne le 28 février prochain,
je me suis plongée dans « Légende », un peu sur mon
quant-à-soi, même s'il fut lauréat du prix Louis Guilloux en 2012
pour « Là, avait dit Bahi ».
Que dire de ce roman sinon que je l'ai
trouvé très bien écrit, émouvant, délicat et poétique.
Que dire sinon que ce fut une très
belle découverte qui appelle à lire d'autres titres.
La plaine de la Crau, décor
exceptionnel aux couleurs des westerns du Far West américain. Ce ne
sont pas des vaches ou des chevaux que les cow-boys mènent, non, ce
sont des moutons, guidés par des bergers, partant en transhumance
estivale dans les Alpes. C'est le périple intime de deux amis
déroulant les souvenirs de l'un pour le projet de film documentaire
de l'autre.
Nel, photographe issu d'une lignée de
bergers éleveurs de brebis chez qui la sueur, l'attachement à cette
terre dure et âpre est viscéral. Il ne reproduira pas le schéma
familial, quitte à décevoir, pour devenir photographe.
Matt, le pote anglais aimerait réaliser
un documentaire sur une boite de nuit phare des années soixante aux
années quatre-vingt. La Chou, mythe vivant endormi, tenue par un
manadier aimant s'amuser, accueillit les fêtards du coin pendant des
décennies, marquant la jeunesse de la région.
La Chou, les alpages, la vie ascétique
des bergers, l'esprit festifs des manadiers, deux mondes pouvant se
rejoindre lors des fêtes monumentales qui s'y tiennent.
Nel, jeune ado, suit ses cousins, êtres
flamboyants et magnétiques, dans les sorties les plus folles. Il
sera témoin de la liberté insensée des années quatre-vingt, quand
la maladie ne décime pas encore le monde des fêtards. Tout est
permis, la vie est trop courte pour ne pas en profiter.
Le lecteur suit le rythme des souvenirs
familiaux, découvrant le monde extravagant de la fête à tout crin,
à tout prix, sans tabou, sans barrière, sans limite. Il devient
explorateur invisible de la vie peu commune des cousins de Nel,
partis avec leurs parents à Madagascar à la chasse aux papillons et
aux rêves d'ailleurs. Leurs vies auront le scintillement d'une
comète, si différents dans leurx chois et aspirations, la mort, à
l'ironie mordante, les réunira.
L'enquête devient périple intime,
branches d'un arbre généalogique où les joies et les drames sont
autant de rameaux feuillus que de rames desséchées.
On recherche le Paradis perdu, celui de
l'enfance, de l'adolescence, des rêves réalisés ou toujours plus
éloignés, celui des chemins offrant l'éventail des possibles. La
mélancolie est toujours servie par une écriture d'une finesse,
trame émouvante sans être larmoyante.
La liberté des grands espaces, des
estives, des forêts tropicales, échos d'une autre liberté, celle
des corps en mouvement que rythment les chansons et les DJ. Le temps
et l'espace se croisent, s'entrecroisent, tels des fendillements sur
les murs de la mémoire et des pierres.
« Légende » est un roman
d'une douce puissance, dans lequel le lecteur se laisse entraîner
puis perdre de manière jubilatoire grâce à une narration un peu
surprenante par sa liberté et sa souplesse. Une surprise tout
simplement savoureuse.
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