Qu'est-ce qu'une femme remarquable dans
l'Angleterre d'après guerre ? Une femme discrète dont la vertu
est incontestable : modestie, qualité d'écoute au point de
devenir le « deus ex machina » pour dénouer les pires
situations, assister aux offices, prêter attention aux sermons des
révérends, avoir une tasse de thé à proposer à toute heure.
Mildred Lathbury est une de ces femmes
remarquables. Elle ne cesse d'être à la hauteur de son excès de
vertu et oublie tout simplement de vivre sa vie.
Ohhh, elle n'est pas malheureuse, loin
s'en faut, du moins en apparence. De temps à autre une pointe non
pas de dépit mais de léger désappointement perce le quotidien
terne de la demoiselle. C'est qu'entre le presbytère très fréquenté
et le couple Napier, Mildred a de quoi mettre en pratique ses trésors
de patience et de savoir-vivre.
Une femme remarquable peut-elle tomber
amoureuse ? Certainement... mais que quel type d'homme ?
D'un révérend ancré dans son célibat tel Julian Malory? D'un ancien officier
beau parleur réputé mettre à l'aise les femmes officiers mal
fagotée dans leurs uniformes blancs comme Rockingham Napier ? D'un anthopologue bourru
toujours prêt à commettre un commentaire désagréable à l'image d'Everard Bone?
Une femme remarquable est-elle apte à
repérer le goujat qui sommeille en chaque homme ? Sans aucun
doute si elle s'appelle Mildred qui l'air de rien observe, analyse et
ne s'en laisse pas compter.
Une femme remarquable est-elle vouée
au célibat, à la vie morne, grise et insipide de la « vieille
fille » typique de l'Angleterre des années Cinquante ?
Est-elle destinée à n'être qu'une personne rendue invisible par
les services qu'elle dispense aux autres ?
Une femme remarquable n'est-elle qu'une
malheureuse cruche dont on abuse de la gentillesse ?
Beaucoup de questions et autant de
réponses en suspend.
Mildred est sans conteste une de ces
femmes remarquables or elle possède ce petit quelque chose qui la
démarque de cette étiquette un peu trop facile à attribuer :
elle voit très vite ce que cache le reflet étudié du miroir trop
poli des uns et des autres.
Tout en proposant son éternelle tasse
de thé, elle fait son miel, sans aucun jugement et avec un humour
extraordinaire, des agissements ou questionnements d'autrui.
Au final, sa vie est tout sauf terne
car il s'en passe des choses sous l'apparente uniformité du
quotidien. Un peu comme dans un roman japonais où tout se déroule
entre les lignes, dans les non-dits, dans les suggestions, dans la
banalité d'un geste, dans un regard fugace, dans la description de
l'environnement où vit la personne.
« Des femmes remarquables »
est mon premier roman de Barbara Pym, auteure que je ne connaissais
absolument pas. Ma rencontre fut une belle réussite : j'ai
adoré suivre Mildred, trentenaire qui regarde ses contemporains avec
recul et tendresse. Même si les gens qu'elle côtoie l'agacent un
tantinet, elle les ménage toujours malgré quelques remarques d'un
humour subtil et percutant. C'est ce trait de caractère qui fait sa
force et son charme. D'ailleurs une de ses relations ne s'y trompe
pas : Everard Bone, l'anthropologue passionné d'archéologie,
derrière sa dérision apprécie Mildred. Se décidera-t-il à
l'épouser ? Le lecteur ne peut que l'espérer même si Mildred
ne semble pas en faire une priorité.
J'ai apprécié le côté suranné du
roman qui est loin d'être ennuyeux. Le personnage de Mildred peut
agacer parce qu'il est ordinaire, or justement il est reposant par sa
manière de voir le monde sans s'agiter, sans partir illico au
créneau à la moindre étincelle. Le temps s'écoule au rythme d'une
société qui ne misait pas encore sur le coktail explosif de la
rapidité, de la performance et du jetable.
On prend son temps, on
le savoure autour d'une tasse de thé. On le regarde passer avec ou
sans regret. Il est l'ami et non l'ennemi car il fait ce que l'on
est, ce que l'on devient.
Lu dans le cadre du
2 commentaires:
Et bin une bien belle facon de connaitre cette auteure...oui didonc
J'avoue que le Mois Anglais m'a ouvert de nombreuses portes de lecture.
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