L'été s'installe à Kington, en Angleterre, accompagné de son
cortège de vacances en famille ou de villégiatures dans les maisons familiales.
Trois sœurs et un frère viennent passer trois semaines en
famille dans la demeure de leurs grands-parents. Une décision, quant à la
conservation ou la vente de la maison, devra être prise au cours du séjour.
Les lignes pourraient rester immuables entre les frère et
sœurs mais ce serait sans compter la venue de Pilar la nouvelle épouse de
Roland, ce dernier souhaitant profiter des retrouvailles pour la présenter à
ses sœurs Harriet, Alice et Fran.
Le présent, au sein de la maison familiale, est empreint du
passé sans qu'on ne puisse rien y faire. Chaque objet renvoie à un souvenir, à
un événement, à des scènes d'enfance.
La maison vieillotte, mal entretenue et mal équipée conserve
le charme désuet des presbytères anglais, malgré tous ses défauts on ne peut
s'empêcher de s'y attacher et d'espérer qu'elle ne sera pas vendue. C'est
qu'elle est un personnage à part entière avec ses escaliers qui craquent, ses
chambres qui communiquent entre elles, ses rideaux anciens, ses meubles
rustiques, ses tiroirs à secrets, son jardin très anglais, loin de tout et ses
fuites dans la toiture.
Construit en trois temps : le présent, le passé, le
présent, le roman plonge d'emblée le lecteur au cœur d'un mode de vie,
bourgeois cultivé, réglé comme du papier à musique, qui s'étiole lentement vers
sa fin.
La joie des retrouvailles passée, les lézardes deviennent
rapidement visibles, comme le sont celles des murs de la maison qui exigerait
une rénovation et donc un investissement financier que ne semblent pas prêts à
faire les membres de la fratrie.
Les jours s'écoulent dans la chaleur estivale : les
enfants de Fran, Ivy et Arthur, jouent comme tous les enfants à des jeux
d'exploration et de construction qui les mèneront à visiter un cottage
abandonné où ils trouveront de quoi agrémenter leur imaginaire. Ils agacent,
ils s'immiscent là où il ne le faudrait pas, observent ou ajoutent à la
pesanteur de la promiscuité familiale.
Le fragile équilibre se rompt lorsque Alice découvre en
fouillant les tiroirs du bureau de leur grand-mère, une liasse de lettres. Dans
cette liasse se trouve une lettre écrite par Roland à leur mère hospitalisée en
raison d'un cancer qui la ronge. Roland refuse qu'Alice la lise à haute voix,
s'en empare de mauvaise humeur. Bien qu'il ait grandi entouré de femmes, sa
pudeur d'intellectuel refuse que ses sentiments d'adolescent soient ainsi
exhumés.
Sous les yeux du lecteur défilent les caractères des sœurs et
frère : Harriet, l'éternelle torturée oublieuse d'elle-même au point
qu'elle passe à côté de sa vie, Fran, la jeune mère pragmatique, légèrement
différente des autres, Alice un brin farfelue au point d'en paraître
excentrique et Roland le philosophe dont les chroniques paraissent dans les
journaux. Autant de différences formant la richesse d'une famille.
La seconde partie du roman, intitulée « Le passé »,
éclaire ce qui anime les personnages de l'histoire. Elle donne les clefs pour
comprendre la sensation d'attente exprimée par Alice dans ses rêves et ses
moments d'introspection, et le décalage de Fran. L'auteure invite le lecteur
dans l'Angleterre de 1968, lors des événements français, et lui permet
d'accompagner les regards de Sophy, la grand-mère et de Jill la mère de la
fratrie, sur la condition de la femme et ses aspirations légitimes. Tessa
Hadley esquisse, joliment, à coup d'humour et de poésie, le portrait d'une
époque.
La troisième et dernière partie précipite le dénouement,
peut-être un peu trop vite, j'aurais aimé un plus long développement de
l'action et des ressentis chez les personnages. Cependant le plaisir de les
suivre est toujours présent d'autant que nous savons quelque chose qu'ils
ignorent et c'est tellement agréable d'égoïsme.
La scène au cours de laquelle Fran coupe les cheveux longs et
bouclés de son fils Arthur est la métaphore du cordon ombilical coupé libérant
les frère et sœurs de la maison de famille. Arthur quitte son statut de bébé
pour entrer dans le monde des petits garçons comme Fran et les autres quittent
irrémédiablement leur jeunesse quand un agent immobilier vient expertiser la
vieille bâtisse pleine de charmes.
« […] ils lisaient tous les deux le soir, souvent
pendant des heures. Ce n'était pas la lecture anodine dont leurs voisins de
classe moyenne parlaient, celle qui vous aidait à franchir , dans un
glissement, le seuil du sommeil, l'équivalent d'un somnifère, le marque-page
progressant par modestes avancées. Sophy et Grantham dévoraient leurs
livres : lire était une liberté arrachée à la trame réglée du quotidien.
Sans même en avoir jamais discuté, chacun savait que l'autre approuvait
l'habitude de retourner leur réveil-matin réglé sur sept heures, de sorte
qu'ils n'avaient aucune idée du teps qui passait tandis qu'assis, ils
tournaient les pages, aucune idée non plus de leur imprudence ou de la façon
dont lils le paieraient le jour suivant. Evidemment leurs lectures étaient bien
différentes : les romans de Sophy empruntés à la bibliothèque, les livres
sérieux de Grantham. Naturellement, Sophy éteignait la première, elle posait son
livre ouvert, pages contre le sol – cassant sa tranche, se plaignait-il – et
renonçait à son engagement dans l'altérité de la lecture avec un soupir presque
sensuel." (p 267 et 268)
2 commentaires:
Toute une famille a connaitre alors...tout a roman a lire...;)
Je ne me suis pas ennuyée une seconde pendant ma lecture.
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