mercredi 16 septembre 2020

De l'écume naquit Venus, de l'encre naquit Venus Erotica

 


En 1950 un « mystérieux collectionneur » commande à Henry Miller des textes érotiques. Rapidement, ce dernier invite Anaïs Nin à écrire ce type de texte d'autant plus qu'il doit s'absenter.

Comment écrire un texte érotique sans user de poésie ? Cela choque réellement Anaïs Nin qui cependant se plie à l'exercice littéraire. Cependant, elle réalisera, en relisant ces textes mis de côté, que sa « propre voix n'a pas été complètement étouffée. Dans de nombreux passages, de façon intuitive j'ai utilisé le langage d'une femme décrivant des rapports sexuels comme les vit une femme. »

Ce qui l'amène à publier ces « érotiques » c'est l'importance de montrer que les écrits érotiques ne sont pas le domaine réservé des hommes, loin s'en faut. Nous ne pouvons que la remercier, ainsi que son éditeur, pour la publication de ces nouvelles qui ont le mérite non seulement d'être bien écrites mais en plus de faire entendre la voix d'une femme, et des femmes, dans ce genre littéraire très particulier.


Le désir, vaste thème et difficile choix : je ne suis pas une grande lectrice de littérature érotique. Hormis quelques lectures de romans libertins, réunis sous le titre de « Romans libertins du XVIIIè siècle » dans la collection Bouquins, mon expérience de lectrice n'est guère étendue.

J'ai donc choisi de lire « Venus Erotica » d'Anaïs Nin dont je n'avais lu que des extraits de son « Journal ».


Quinze nouvelles et autant de rencontres avec des personnages qui se croiseront au fil des épisodes. Est-ce une littérature réaliste voire naturaliste ? J'avais un peu peur d'être confrontée à une certaine crudité descriptive et langagière. A mon immense soulagement, il n'en fut rien car, comme expliqué en préambule, malgré l'injonction terrible de commanditaire de « Laissez tomber la poésie pour le sexe ! » Anaïs Nin a su résiter et de très belle manière.

Au gré des quinze nouvelles, elle explore la gamme très étendue des fantasmes de tout un chacun et de tout une chacune : la rencontre charnelle avec un parfait inconnu, une liaison torride avec un mentor du sexe sensuel, les caresses masculines et féminines, l'exploration des émois parfois insoupçonnés du corps, notamment de l'antre des plaisirs de la femme à savoir le vagin. Réceptacle des peurs irrationnelles comme des folies les plus folieuses, il est un des éléments force des textes au même titre que l'attribut mâle par excellence qu'est la verge.


Anaïs Nin offre à son lecteur des textes à l'écriture poétique, des choix de mots justes et beaux, des descriptions qui ne sombrent pas dans le sordide, elles sont empreintes de délicatesse et de joliesse. Bien sûr, elles réveillent le frisson intime, ce serait mentir que de dire le contraire, c'est ce qui rend l'écriture belle, charnelle et sensuelle.

Ce sont des textes de la sensualité des corps, de la rêverie des âmes, de l'abandon sans honte aux exigences du plaisir.

Il y a des termes et des phrases crus, parfois le sujet abordé est limite au point de heurter sensibilité et morale, notamment quand il y a inceste, pédophilie ou nécrophilie. Cela m'a mise très mal à l'aise car le glauque n'était guère éloigné. Cependant, car oui il y a un mais, sans valider ces déviances, je dois reconnaître qu'Anaïs Nin a réussi, de belle manière , à éviter le piège du sordide quand elle met en scène la possession charnelle d'une jeune et belle noyée par un des protagonistes récurrents. Il fallait oser écrire, en étant femme, sur ce tabou et le faire avec art et talent : sa belle écriture au service de textes érotiques pousse le lecteur dans ses derniers retranchements puisqu'elle réussit, avec grâce, à provoquer malaise, à bousculer sa zone de confort et c'est aussi ce que l'on demande à la littérature, érotique ou non.

Bouger les lignes, perturber pour amener à réfléchir et à comprendre pourquoi le désir est-il si difficile à évoquer et à accepter dans ses débordements irrationnels.

« Venus Erotica » nous offre l'exposition des plaisirs des hommes et des femmes sans une once de vulgarité : ces corps décrits... sont aimables et beaux, ils transcendent, grâce à l'écriture subtile de l'auteure, la grossièreté. Elle libère les corps par les mots, la parole et libère aussi le désir et le plaisir.

Une gageure littéraire remarquablement réussie car dieu sait combien l'exercice peut être difficile et rédhibitoire.

Quelques avis

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Un extrait Ici


Lu dans le cadre du Mois Américain




2 commentaires:

eimelle a dit…

cela doit être intéressant en effet !

rachel a dit…

oh effectivement...tout un exercice de style bien reussi alors