mardi 8 septembre 2020

Wild wild west

 


1843 l'attrait des terres de l'ouest met en mouvement de nombreux convois de pionniers. En 1845 l'appel de l'Oregon fera quitter plusieurs familles  leur Missouri natal, sous la férule d'un sénateur dépité par la politique, le rigide et despotique Tadlock.

L'organisation d'un convoi de pionniers est loin d'être une promenade de santé car l'aventure sera longue, hasardeuse et forcément dangereuse. Un chef solide et respecté est essentiel pour superviser la logistique : prévoir des chariots solides, des bêtes de somme efficaces, en bonne santé et courageuses, des couples de bœufs puissants et robustes, des denrées en quantité suffisante pour ne pas craindre la famine, des pièces de rechanges, et pour finir ses biens.

Les plus aisés engagent du personnel pour s'occuper du bétail et des chevaux, les moins riches escomptent sur la chance et la solidarité.

Après le chef, il est indispensable d'engager un guide, un homme pour qui l'ouest est un terrain connu. Cet homme sera le providentiel Dick Summers, un des héros du premier opus du cycle « The big sky », « La captive aux yeux clairs ». Il s'est installé à Independance, dans le Missouri, où il a pris femme et terres. Il jouit d'une solide réputation de pisteur, de « mountain man » et se rend aux arguments de Lije Evans pour accepter de guider le convoi.

Commence alors un périple de plus de trois mille six cents kilomètres à travers des plaines arides, des cours d’eau impétueux et des montagnes escarpées pour ces gens quittant tout pour de multiples raisons qu’elles soient patriotiques – l’Oregon ne doit pas rester aux mains des Anglais – ou personnelles – l’envie d’avoir une vie meilleure ou l’appel de l’aventure -.

Les pionniers deviennent les membres d’une petite communauté et doivent apprendre à vivre ensemble, à être solidaires, à devenir tolérants et à ne pas baisser les bras devant l’immensité du défi.

Longue sera la route jusqu’en Oregon. Le convoi laissera derrière lui des tombes, des douleurs, des terreurs et une ribambelle d’objets et de meubles hétéroclites, abandonnés en bord de piste pour alléger les chariots et soulager les attelages bovins.

Nombreuses seront les embûches telles que les rencontres avec des tribus indiennes, pour la plupart exsangues, ou les traversées hasardeuses des rivières au débit vigoureux.

Dick Summers, plus flegmatique que jamais, incarne la figure du cow-boy de la conquête de l’ouest. Expérimenté, rusé et intelligent, il connaît les bienfaits et les dangers d’une nature que le rouleau-compresseur des mouvements pionniers n’a pas encore avilie ni enlaidie. Dick respecte la vie sous toutes ses formes, il ne voit pas les Indiens comme des ennemis : il a vécu parmi eux, il a appris leur langue, il a appris leur culture et leur mode de vie. Plus d’une fois il saura retourner une situation critique en faveur du convoi grâce à son humilité et son humanité.

Summers est un « mountain man » et un solitaire, un « lonesome » cow-boy dont les principes et vertus sont inébranlables… un cheval, un sac de couchage, des provisions, des castors et des bisons, un bon fusil, une bonne action, un bivouac sous les étoiles et l’immensité du ciel, cela suffit à un « moutain man ».

 

Autant « La captive aux yeux clairs » est un roman de l’intériorité dont les héros perçoivent la beauté des paysages grandioses et savent la regarder, autant « La route de l’ouest » est celui d’une longue pérégrination pour conquérir un nouveau territoire.

« Aucun d’eux ne savaient jouir paisiblement du temps présent. Ils s’acharnaient à vouloir tirer quelque chose de la vie, comme si l’on pouvait la saisir à pleines mains et la modeler à sa convenance à force de calculs et de combinaisons. Ils ne parlaient jamais de castors, ni de whisky, ni de squaws en s’abandonnant à la douceur du soir. Ils ne parlaient que de récoltes, de force hydraulique et de bénéfices, sans accorder autrement d’importance au soleil et au verdoiement des jeunes pousses qu’à un décor vague et imprécis sur le chemin de ce qu’ils voulaient être ou avoir. » (p 80)

Cependant, la nature d’une beauté à couper le souffle est présente dans le roman même si seuls Dick Summers et le lecteur en ont conscience. Cette nature sauvage et altière arrachée aux tribus indiennes par la procession des convois de pionniers puis la construction du chemin de fer.

« La route de l’ouest » est le roman d’une épopée humaine, l’histoire d’hommes et de femmes qui ont décidé de vivre quelque chose de plus grand qu’eux au prix exorbitant de nombreux renoncements.

C’est le roman d’une Amérique qui se construit au pas des attelages brinquebalants, à la sueur et au sang des émigrants et des peuples natifs que le progrès, inexorablement, pousse à la spoliation de leurs terres et à la disparition d’un mode de vie, d’un rapport au monde incompatible avec l’essor d’une Nation.

Un « moutain man » tel que Dick Summers devient, dès lors, aussi anachronique que les tribus indiennes. Ce dernier ne pourra se projeter en Oregon et choisira un chemin de vie qui ne peut que lui ressembler… a lonesome way…. lonesome mais d’une grande richesse humaine.

 

Quelques extraits

 

« Chaque étape avait imposé sa dîme impitoyable … La Platte, la Sweetwater, la Green, la Bear, la Snake. Et pourtant…et pourtant la chose valait ce qu’on l’avait payée, aussi cruel qu’en ait été le prix. Un pays libre s’achète, très cher quelquefois. Une chance de mieux vivre se gagne et se gagne avec peine. Une nation ne saurait grandir si personne n’ose. Certes le prix était élevé, mais qui le trouverait excessif, en dehors de ceux qui en ont fait l’appoint de leur cœur et de leur chair ? » (p 430)

 

« Au vrai, qu’est-ce que le chagrin ? De quoi s’alimentait sa longue peine ? Elle se souvint de la phrase simple, dure et cependant réconfortante que Beeky Evans lui avait dite avec sa bonne et maternelle compassion « On n’a pas les moyens de souffrir très longtemps. » Comme si le chagrin était un luxe, un privilège que la vie refuse à la femme de devoir. En entendant Beeky prononcer cette impitoyable sentence elle avait compris que c’était plus qu’une pensée, c’était une loi, une loi terrible et cruelle, la loi de l’Oregon, la loi de toutes les transhumances, peut-être même la loi de la vie. » (p 451-452)


Pour le plaisir

Lonesome cowboy

Lu dans le cadre du Mois Américain





3 commentaires:

rachel a dit…

Punaise je pensais que tu allais parler de la serie TV...lol
En tout cas cela reste mythique ces convois de pionniers..et tout un livre lala

Katell a dit…

T'aurais-je surprise, Rachel? Je te recommande la lecture du cycle "The big sky", fresque très réussie de cet ouest américain.

rachel a dit…

Oh je note alors....oui...;)