mercredi 11 novembre 2020

Noir écossais


Ce 11 novembre, en plus d'être une journée de commémoration importante, est aussi celui de la lecture commune autour des romans de Peter May.

J'ai choisi de lire le premier volume de la trilogie écossaise « L'île des chasseurs d'oiseaux ».

Finley Macleod, inspecteur de police sur le continent, est appelé à se rendre sur Lewis, son île natale, pour apporter son expertise dans l'enquête sur un meurtre dont le mode opératoire a de grandes similitudes avec celui dont il a la charge à Edimbourg. Dès l'autopsie faite, l'inspecteur Macleod ne croit plus au lien entre les deux affaires. Que cela cache-t-il ?

Fin a quitté l'île de Lewis depuis plus de dix-huit ans et n'y a remis les pieds uniquement le temps des obsèques de sa tante. C'est avec appréhension qu'il revient sur les lieux de son enfance, de son adolescence et du début de son âge d'homme. D'autant qu'il sort à peine d'un deuil difficile : celui de la perte de son jeune fils unique de huit ans, renversé par un chauffard.

La victime est un des garçons qui avait l'habitude de harceler et malmener les plus jeunes dont Fin. Il est peu de dire que les souvenirs affluent et entraînent l'inspecteur dans la spirale du passé, un passé douloureux qui sera révélé par infimes touches tout au long du roman.

« L'île des chasseurs d'oiseaux » est un roman policier dans lequel l'enquête criminelle est un prétexte pour mettre en lumière ce qui s'est passé dix-huit ans plus tôt sur l'île d'An Sgeir, rocher plutôt inhospitalier sur lequel, depuis des générations, se rend une douzaine d'hommes de Lewis, pour massacrer deux milles gugas, oisillons des fous de bassan. L'équipée, dangereuse, dure deux semaines et peut être vue comme un rite de passage pour les jeunes hommes dont c'est la première participation.

Dix-huit ans plus tôt, le père du meilleur ami de Fin, Artair Macinnes, a perdu la vie au cours de l'équipée annuelle, en sauvant celle de ce dernier.

Fin Macleod se retrouve face à son passé, sur ce bout de terre d'Ecosse battu par les vents et les flots. Les paysages décrits de manière somptueuse sont un écho de l'humeur de Fin: la tristesse infinie du deuil d'un enfant.

Le roman avance entre les souvenirs marquants de l'enfance de Fin et de sa bande de copains et la progression de l'enquête. L'île de Lewis est un endroit, pour les jeunes gens, à quitter absolument afin d'espérer construire un meilleur avenir. La seule échappatoire est l'école : obtenir de bons résultats scolaires est un passeport pour l'université de Glasgow et le départ de l'île.

Le lecteur assemble les pièces du puzzle avec patience, au fil des confidences et des révélations que suscitent le retour au pays d'un de ses enfants.

Le jeune Fin cultive l'art d'être aveugle, l'habilité à rater les occasions d'exprimer ses sentiments ou ses émotions et laisse passer, à plusieurs reprises, le bonheur. On ne peut lui en tenir rigueur car la vie n'a guère été tendre avec lui : devenu orphelin à l'âge de huit ans, il est recueilli et élevé par sa tante qui est loin d'être la tendresse personnifiée. Elle n'est pas méchante, elle est plutôt originale et vit hors des sentiers battus, cependant elle n'est guère chaleureuse.

L'enfance blessée passe, assortie des cours particuliers que le père d'Artair donne à son fils et à Fin en qui il décèle des capacités à apprendre et étudier. Ces cours sont évoqués, plusieurs fois, en quelques phrases. Leur évocation est celle d'un souvenir pesant, d'une lourde atmosphère empreinte de silence alors que la transmission du savoir devrait être allégresse.

L'amour d'enfance, Marsailie a épousé Artair et a perdu son éclat : la vie pesante de l'île et l'alcoolisme brutal d'Artair a transformé la jeune fille gaie et sûre d'elle en une ombre triste. Le couple a un fils unique, Fionnlagh, jeune homme réservé qui n'éprouvera aucune joie à faire partie des Douze à se rendre sur An Sgeir. La détestation d'en être renvoie Fin à ce qu'il a éprouvé quand il fut désigné pour vivre cet honneur.

Les rouages du mécanisme de la mémoire se mettent en branle chez Finley provocant un déclic qui ne sera pas sans conséquences.

Peter May orchestre et assure avec brio le suspense jusqu'à la dernière phrase du roman au point que la lectrice que je suis n'a absolument rien vu venir. N'est-ce pas là la force d'une intrigue bien ficelée  ancrée dans la cruauté ordinaire ?

Une très belle découverte qui me fera retrouver avec plaisir le second opus de la « Trilogie écossaise » : je me suis attachée au personnage, tout en ombres et lumière tamisée, de Finley Macleod.

Une très belle citation donnant le ton au roman :

"Le monde, Marsali, c'est comme le temps. On ne le change pas. Et on ne le façonne pas. C'est lui qui nous façonne."

Quelques critiques

Sens critique  ça va mieux en l'écrivant  Papillon  Le noir   Livraddict  Hélène  L'île aux livres  Lettres d'Irlande et d'ailleurs  Tant qu'il y aura des livres  Babelio  

Lu dans le cadre




4 commentaires:

rachel a dit…

Oh oui et dans chaque volume, on apprend une tradition ancestrale pas vraiment belle....vraiment je t'envie de decouvrir cette trilogie...je l'ai adoree...;)

tant qu'il y aura des livres a dit…

Ah oui une très belle trilogie ! J'ai une grosse préférence pour le prochain, alors bonne lecture !

lcath a dit…

C'est une bonne trilogie avec l'Ecosse en toile de fond ce qui ne gâche rien :)

Enna a dit…

J'ai beaucoup aimé ce roman et j'ai d'ailleurs lu le 2e tome de la trilogie que j'ai fini aujourd'hui même! ET c'est amusant comme la mémoire nous joue des tours car j'avais complétement oublié qu'il avait perdu son fils dans ce tome (on en parle aussi dans la suite mais je ne me souvenais plus du tout!)
Je lirai le 3e avec plaisir! Les personnages sont vraiment attachants!