lundi 16 août 2021

La huitième reine

 


Les étapes indiennes sont une mine de lectures à découvrir et à partager. Elles permettent, en plus, de diminuer sa PAL quand une lecture commune a lieu pour « fêter » la date d'indépendance du Pakistan, le 14 août 1947.

Bina Shah, l'auteure, vit à Karachi, ancienne capitale du pays, située dans la région historique du Sindh.

 

Automne 2007, Benazir Bhutto revient au Pakistan après sept ans d'exil, Ali Sikandar, étudiant le soir et reporter le jour pour nourrir sa famille, est envoyé par sa rédactrice en chef à Karachi pour couvrir l'événement.

L'action du roman se déroule entre le retour de Benazir Bhutto et l'attentat de décembre 2007 qui lui coûtera la vie.

Ali est un témoin privilégié du retour de l’ancienne Premier Ministre, conspuée par les uns et vénérée par les autres car porteuse d’un espoir immense pour le pays. Il oscille entre doute et espérance, entre partir étudier aux Etats-Unis, une forme de fuite, et rester pour assumer ses engagements familiaux et contribuer au redressement du Pakistan, lui l’héritier d’une longue lignée de féodaux.

Il est amoureux de Sunita, une jeune étudiante hindou, et tait sa liaison pour ne pas affronter les reproches de sa famille : cela ne se fait pas de fréquenter une hindoue. Les traditions sont lourdes à supporter d’un côté comme de l’autre, la mixité religieuse dans les unions ne sont guère prisées.

Au fil des reportages, Ali va comprendre que l’enjeu politique est de taille au point de s’engager dans les manifestations protestant contre l’état d’urgence décrété par l’armée. Au cours de l’une d’elle, à Islamabad, il sera pris dans un affrontement sanglant avec la police anti-émeute, et se retrouvera en prison. Alors qu’il n’a plus parlé à son père depuis que ce dernier a quitté sa mère pour fonder une nouvelle famille, un des gradés, en entendant son nom, lui dit qu’il est sous l’obédience de son père et lui demande de l’appeler pour ainsi le libérer. Ce qu’il fait, brisant des années de silence et d’incompréhension.

 

Ali est représentatif d’une jeunesse pakistanaise dont le désir d’émancipation est immense : la rigidité des traditions pèse sur la vie quotidienne des gens qui n’ont que peu de choix. Il aime une jeune fille non musulmane, il souhaite partir étudier à l’étranger et ne plus subir les restrictions au quotidien. Malgré sa défiance quant à la capacité de Benazir Bhutto de redresser le pays et de le faire entrer dans la modernité et la croissance économique, Ali, en observant autour de lui les gens et en côtoyant ceux qui n’acceptent pas la botte armée, portera un autre regard sur cette femme qui ne renonce à aucun de ses idéaux. D’autant plus qu’il comprend le lien existant entre sa famille et les Bhutto… les roses de leur jardin depuis longtemps fanées et conservées entre les feuilles d’un livre. Il verra en elle l’espoir d’une nation, un espoir qui hélas sera étouffé dans l’œuf, une fois encore.

 

Ce qui m’a touchée dans ce roman, ce sont les subtils allers-retours entre passé et présent, le premier apportant toujours un élément de compréhension du second. Le passé, aux multiples facettes, est évoqué comme un plan de plus en plus serré sur le Sindh : des origines jusqu’au jardin des Bhutto où la jeune Benazir va se recueillir auprès des roses tant aimées de son père, jusqu’à la scène dans laquelle Pinky, alias Benazir enfant, se fait prédire l’avenir par un parrot master, un diseur de bonne aventure, qui voit en elle la huitième reine.

Le passé éclaire le présent tragique du Pakistan en un chant célébrant une région, le Sindh, terre de convoitise en raison de ses richesses, terre de déchirements en raison des convoitises qu’elle suscite.

Bina Shah, au gré des chapitres, décrit un pays riche des figures politiques, spirituelles et artistiques qui ont forgé, au fil des siècles, l’identité du Sindh.

« La huitième reine » est un roman qui met en miroir la révolution personnelle du jeune Ali avec la roue d’une histoire millénaire au cours d’une très belle fresque historique.

Une lecture commune en compagnie de RachelHilde et Pati

Traduit de l’anglais (Pakistan) par Christine Le Bœuf.

 

Quelques avis :

 Rachel  Babelio  Asialyst  La cause littéraire  Jostein  Le Figaro

Lu dans le cadre



 


4 commentaires:

rachel a dit…

Oh oui toute une fresque pour entrer dans ce pakistan si loin....j'ai vraiment aime aussi

Katell a dit…

En effet, une belle fresque qui nous aide à comprendre le présent pakistanais.
Un très beau voyage littéraire.

Hilde a dit…

Je l'ai ajouté à ma liste ! Vous me tentez bien avec vos avis! :)

maggie a dit…

J'ai beaucoup aimé !