mercredi 19 janvier 2022

Célestopol

 


« Célestopol, cité lunaire de l’empire de Russie, est la ville de toutes les magnificences et de toutes les démesures. Dominée par un duc lui-même extravagant, mégalomane et ambitieux, elle représente, face à une Terre en pleine décadence, le renouveau des arts et la pointe du progrès technologique. »


Telle est l'alléchante quatrième de couverture qui n'en dit ni trop ni pas assez.

En quinze chapitres ou nouvelles, Emmanuel Chastellière brosse un portrait des habitants de l'astre lunaire, de leurs fêlures, de leurs espoirs, de leurs colères exprimées ou muettes, de leurs pensées intimes. Une histoire courant sur plusieurs décennies montrant combien une cité florissante peut être fragile.

A Célestopol, seule l'industrie des loisirs et des plaisirs est visible, l'autre industrie, celle qui construit les bâtiments, celle qui approvisionne en énergie, celle qui fait vivre les habitants, est souterraine et invisible. Même les ouvriers se font discrets puisque leurs logements sont édifiés en sous-sol, histoire de ne pas gâcher la vue de ceux qui possèdent de quoi profiter de la folie clinquante de la cité sélène.

Célestopol est un peu la Venise lunaire avec ses canaux de sélenium, des fééries architecturales, ses richesses infinies, ses fêtes, son Doge-Duc, Nikolaï, délirant et ses complots. Célestopol, la cité-état qui tente de s'affranchir de l'autorité impériale russe comme celle de la Terre, la ville qui ne dort jamais et vit à cent à l'heure chaque heure qui passe. Elle est aussi la ville Lumière, le phare de la modernité et de l'innovation, le phare de la créativité et de l'inventivité de l'homme.


« Célestopol » sous l'excellente plume d'Emmanuel Chastellière, m'a embarquée dans un voyage étonnant et surtout inattendu aux couleurs originales du Steampunk, le mouvement littéraire apparu en 1980 dont « les intrigues se déroulent dans un XIXè siècle dominé par la première révolution industrielle du charbon et de la vapeur – steam en anglais - » L'uchronie « Célestopol » utilise la référence l'usage massif des machines à vapeur du début de la révolution industrielle puis de l'époque victorienne. La domination économique n'est pas anglaise mais russe ce qui permet de mettre en valeur tout le romantisme slave dans ses exubérances et ses outrances.

On ne peut s'empêcher de penser à l'univers de Jules Verne et à celui de la littérature russe du XIXè avec les héros torturés par le remords, plein de fièvre romanesque et d'envolée lyrique.

« Célestopol » est aussi le roman, mis en nouvelles, d'un peuple qui apprend, peu peu, à penser par lui-même...un peuple pas comme les autres puisque nous sommes sur la Lune. Les robots ont pris de plus en plus de place au sein de la société sélène : ils sont affectés aux tâches répétitives de la domesticité, aux tâches dangereuses hors de la ville, dans le désert froid et silencieux des espaces lunaires. Petits pas après petits pas, ils acquièrent une première conscience, celle de leur servitude, donc de leur malheur : la vie est loin d'être merveilleuse pour ces « damnés de la Lune » qui forent, qui extraient, qui transportent, qui ajustent, qui servent les puissants jusque dans leurs déviances sexuelles au point de désirer la mort. Ce désir mortifère preuve s'il en est d'un état d'humanité.

Aussi lorsque les robots souhaitent se libérer de leurs chaînes, ai-je pensé à l'oeuvre de Philip K. Dick, notamment son Blade Runner.

Or dès qu'un peuple apprend à penser par lui-même, le soulèvement n'est jamais loin ainsi que la remise en cause de l'assise politico-sociale. Le dénouement est à la hauteur de ce qui est attendu au cours de la lecture jubilatoire.


La suite « Célestopol 1922 » m'attend sagement sur les étagères de la bibliothèque.


Quelques avis :

Babelio  Bélial  Livraddict  Les chroniques du Chroniqueur  French Steampunk

Le chien critique

Lu dans le cadre


 


4 commentaires:

rachel a dit…

Et bin toute une serie de nouvelles qui semble passionnante....

Katell a dit…

C'est un excellent recueil qui fourmille de clins d'oeil à la littérature russe et aux romans cultes de la SF. Un vrai bonheur de lecture

Emmanuel a dit…

Bonsoir,

Merci beaucoup pour votre retour !

Le bouche-à-oreille, via les chroniques ou des sites comme Babelio, c'est la seule chose qui peut permettre de se distinguer. :)

Antigone a dit…

Très intéressant, et en plus tes références me parlent.