mardi 26 août 2008

A la recherche de l'harmonie

Antoni est défiguré depuis son accident de voiture, après avoir fêté sa maîtrise de maths, qui a coûté la vie à sa petite amie Sandra. Un cerf a traversé la route, la 4L s'est encastrée dans un arbre, une vie en lambeaux, un corps déchiqueté. Depuis, il vit cloîtré dans son appartement, donnant des cours de maths par internet, faisant de petits boulots de comptabilité parci parlà. Antoni, se cache, ne se regarde plus dans une glace et vit sa solitude malgré lui, malgré les autres.
Un jour, il rencontre Almodovar qui est fasciné par son visage de guinguois, rafistolé et couturé: l'attirance du cinéaste pour les monstres, c'est à dire pour ce qui sort de la norme, est transcrite par l'envie de faire un film sur la vie d'Antoni. Ce dernier, par la même occasion, rencontre Lisa, transsexuel et prostituée, un univers almodovaresque à elle toute seule. Une attirance mutuelle se noue entre Antoni et Lisa, le défiguré et la prostituée au pénis, deux "monstres" aux yeux des autres. Peu à peu Lisa va réapprendre à Antoni la tendresse, l'amour et le regard sur soi-même, sans recul, sans douleur, sans répulsion. Elle lui réapprend la liberté d'être tout simplement.
"Le théorème d'Almodovar" est un roman très bien construit, très bien écrit, qui sait mêler l'onirisme au surréalisme dans des scènes extravagantes, dignes d'Almodovar, où un cerf, vingt ans plus tard, entre dans la vie d'Antoni. Rêve, fiction ou superbe symbole d'une nature diverse et peu regardante sur ce qui l'a fabrique. Le cerf est un vieux sage qui regarde Antoni et Lisa s'aimer avec la majesté d'un roi de la forêt. Le cerf, l'alpha et oméga du visage déstructuré d'Antoni, visage qui n'aura plus besoin de masque pour aller dans la rue parmi les autres.
Cependant, malgré la beauté de la quête amoureuse, de l'initiation, de l'acceptation de soi et de la différence, l'histoire ne m'a pas vraiment touchée. Il faut dire que certaines scènes sont belles mais crues et du coup dérangeantes. En soi, il est intéressant et salvateur d'être bousculé par des images ou des mots mais parfois la "branchitude" prend trop de place au lieu de suggérer.


Un passage que j'ai beaucoup aimé:

"Dans cet autoportrait, j'essaie autre chose. Je tente de regarder le monde jusqu'à ce qu'il révèle sa beauté même si l'opération est étrangement utopique. J'établis le théorème d'Almodovar: il suffit de regarder assez longtemps pour transformer l'horreur en beauté.
La caméra doit tourner depuis deux heures au moins dans le silence resplendissant de mon visage. Il n'y a même pas de place pour une chanson mélancolique, pour le rire de Lisa. Nous sommes au niveau initial de la blancheur de la toile du peintre, de la toile du cinéma, ce qui prouve bien que les cinéastes sont des peintres qui ne s'ignorent pas.
Que reste-t-il de nos amours? Ces traces de visages décomposées en moments extatiques ou douloureux. Des fragments, des collages. Alors peut-on aimer un être dont le visage est déjà un collage? Peut-on le regarder assez longtemps pour que l'amour gicle comme un fleuve qui sort d'un rocher? Non, c'est la conséquence tragique du théorème d'Almodovar: nous avons besoin de géométrie et d'harmonie car il n'y a aucun plaisir à détruire ce qui a déjà subi l'outrage de l'abstraction."
(p 77 et 78)

Livre lu dans le cadre du Prix Landerneau








L'avis de Télérama

1 commentaire:

Anonyme a dit…

il est dans ma pal celui là et j'ai commencé fume et tue :-))) que des bonens choses :-)