Quand l'auteur avait présenté son récit à La Grande Librairie j'avais été séduite par le sujet tant il était romanesque. Aussi ai-je postulé pour la lecture dans le cadre du dernier opus de Masse Critique organisé par Babelio. J'ai été très heureuse de pouvoir concrétiser mon envie de le lire.
Le livre n'est pas l'objet auquel je suis habituée puisque
j'ai reçu un audio-livre. Grande première pour moi. Je dois avouer que ce mode
de lecture n'a pas été aisé: écouter n'est pas pareil que lire
car le champ de vision est plus large et donc susceptible d'être distraite par
tout ce qui pouvait y entrer. J'ai du repasser plusieurs fois les mêmes
chapitres et fermer les yeux pour être au cœur du texte. C'est un apprentissage
fastidieux dont le charme réside dans l'écoute d'une lecture faite par l'auteur
lui-même.
Yoann Barbereau nous relate la machination dont il a été
victime alors qu'il était en poste à Irkoutsk, en Sibérie, en tant que directeur
de l'Alliance française. Tout est à remonter, un vrai défi lui est offert.
Au début tout va pour le mieux, il réussit à approcher des
mécènes et obtenir des subsides pour améliorer le fonctionnement de l'Alliance.
Il randonne près et sur le lac Baïkal, il réalise un souhait de toujours :
appréhender l'âme russe et le mystère sibérien.
Puis tout dérape sans qu'il ne voit rien venir :
arrestation musclée devant sa fille, âgée de cinq ans, devant son épouse qui ne
réagit pas, détention en préventive tout aussi musclée et emprisonnement dur en
attendant le procès.
Le lecteur-auditeur est plongé, comme l'auteur, dans un monde
absurde où la folie guette chaque prisonnier. La machinerie bien huilée du
kompromat, inventé par le KGB et bien rodé par le FSB, se met en branle et rien
ne peut l'arrêter malgré les ficelles grossières dont est fait le dossier à
charge de Yoann Barbereau.
On est estomaqué devant l'ampleur prise par l'affaire et on
se dit que jamais Yoann ne s'en sortira. Sa voix emporte le lecteur au cœur
d'un univers carcéral d'une violence inouïe, au-delà de l'entendement. On à
l'impression de se retrouver dans un film de barbouze tant les rebondissements
sont étourdissants et angoissants. Entre les lâchetés diplomatiques, les
manipulations des témoins, la fuite de son épouse et de sa fille en Angleterre,
les accusations de pornographes assaisonnée d'une dose de pédophilie, il y a de
quoi sombrer dans le découragement et la folie.
Yoann est sauvé de l'horreur intégrale de sa situation grâce
à la littérature, aux souvenirs de lecture, de poèmes et de séries. Il est
Edmond Dantès, Michel Strogoff, Casanova emprisonné à Venise, un héros de Pouchkine ou de Boulgakov. Il est
un héros kafkaïen, il est personnage de Dostoïevski ou de Soljénitsyne …
l'archipel du goulag l'attend au bout du procès.
Il endure et note chaque jour dans un petit carnet vert ce
qu'il ressent, ce à quoi il est amené à réfléchir, il note son quotidien et
celui de ses codétenus. Il brosse le portrait du système carcéral russe sans
en faire trop ce qui le rend encore plus glaçant.
Après la prison ce sera l'hôpital psychiatrique puis
l'assignation à résidence avec bracelet électronique. Un an depuis
l'arrestation et toujours la solitude de l'enfermement.
Enfin la décision est prise : ne pas rester à attendre
l'issue du procès mais fuir pour regagner sa liberté. A machination machination
et demie, Yoann Barbereau prend la poudre d'escampette pour vivre un
« road-trip » des plus dingues et digne de la série « Le bureau
des légendes ». Il construit avec précision son plan et sa légende :
il deviendra un suisse voyageur en Blablacar et Airbnb avant d'échouer...à
l'Ambassade de France à Moscou dernière étape avant la grande évasion.
L'auteur fait preuve d'une grande résilience après avoir vécu
l'enfer près de la splendeur du lac Baïkal, empreint d'une mystique littéraire
fascinante, dans une Sibérie magnifique sous la neige et la glace avec sa taïga
infinie.
Il livre à son lecteur un récit d'une intensité
époustouflante dans lequel l'humour et l'érudition font le miel et le sel de
son histoire. Une catharsis magnifique grâce aux livres et à l'écriture.
Les portraits des détenus sont parfois drôles, souvent
attachants : on quitte ces pauvres hères à regret, craignant pour leur
intégrité physique et mentale. Chaque personnage, chaque intervenant est ciselé
en quelques mots, quelques phrases : on est là parmi la faune carcérale,
la faune politique, la faune ordinaire des gens qui aident au nom de la
liberté, la présence lumineuse de son chat Béhémoth, point d'ancrage pour lutter
contre l'Absurdie.
La voix de l'auteur amène son lecteur au cœur de l'action au point qu'il a du mal à décrocher des montées d'adrénaline.
Bon... allez … cher Yoann …. avouez …. vous faites partie du Bureau des légendes ? Non ? Flûte alors !
J'ai écouté avec délice ce récit hypnotique, rocambolesque et
extraordinaire, portée par la voix chaleureuse et douce de l'auteur.
Merci pour ces moments partagés empreint de l'ineffable âme slave et de son grain de folie.
Je remercie Babelio et les éditions Audiolib
Quelques avis :
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2 commentaires:
Oh punaise...une sacre aventure...effrayante en plus....
En audio, ça doit être encore plus effrayant. Je me suis remise aux livres audio récemment, et j'avoue que pendant ma pause du midi ou le soir après le travail, j'apprécie. Avant ça avait parfois tendance à m'endormir.
En revanche, pour retrouver un passage et rédiger un billet de blog, c'est moins évident.
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