samedi 13 février 2021

Le silence est-il d'or?

 


C'est l'histoire d'une quête d'identité d'un homme et de sa place dans une lignée dont il a été exclu. Thème on ne peut plus classique que celui de ses racines et de son histoire au sein de la famille.

André sait qui est sa mère mais ignore le nom de son père. Il aimerait connaître la partie manquante de son histoire, le pan paternel de sa lignée. Or sa mère, Gabrielle, est très discrète à ce sujet, elle, la parisienne élégante et libre, elle qui a confié son fils à sa sœur Hélène et son beau-frère au point qu'André les considère comme ses parents.

Marie-Hélène Lafon mène son lecteur sur le chemin d'une saga familiale courant sur trois générations, quasi un siècle : l'histoire commence en 1908 pour s'achever en 2008 avec le même personnage dont il sera peu question et pourtant quelle importance a-t-il ! Armand et ses pieds nus au début du XXè siècle ouvre cette saga familiale aux allures non de fleuve mais de ruisseau, et la ferme un siècle plus tard lorsqu'un de ses descendants découvre sa tombe.

Un accident domestique ouvre le bal d'une quête de soi, d'une histoire familiale qui se doit de continuer au-delà de la perte d'un enfant. « L'histoire du fils » est la narration de la survie d'une lignée, est le récit d'une famille qui avance pour continuer à s'inscrire dans la mémoire des siens. Chacun appartient au lieu où il est né et grandit dans un temps historique, une époque particulière qui fait qu'on est soi malgré son lot de douleurs, de joies, de silence et de secrets.


Marie-Hélène Lafon emmène le lecteur au cœur des terroirs, ceux qui forgent les campagnes françaises avec sa bourgeoise locale et son menu peuple : l'Auvergne et le Quercy, le pays du haut et celui du bas. Il y a les odeurs, les us et coutumes, les paysages et les couleurs. Et puis il y a Paris, ville de tous les possibles, celle qu'a choisi Gabrielle pour y vivre en toute liberté. L'histoire de Paul, André et Gabrielle se forge entre ces trois points : Chanterelle-Aurillac, Paris et Figeac.

L'auteure livre une saga ciselée avec peu de mots d'une force qui fait oublier qu'une saga s'épanouit dans un pavé de plus cinq cents pages. D'aucuns le regrettent et se sentent frustrés, sans doute, oui, peut-être, certainement... or tout est dit avec tant de mots justes et une syntaxe de haute volée pourquoi souhaiter le délayage ? Pour avoir le plaisir de ne pas quitter trop vite les héros, leurs sentiments, leurs rêves, leur vision du monde ? Pourtant j'aime les romans au long court, les histoires qui me happent pendant plusieurs tomes. Etrangement, en lisant « L'histoire du fils » je ne me suis pas sentie lésée car le mot juste crée l'ambiance, habille la personnalité de Paul, André, Armand, Hélène ou Gabrielle. La nécessité de développer ne s'impose pas parce que le choix des mots invoque l'imaginaire du lecteur qui complète, ou pas, la phrase, le mot de l'auteure.

J'ai été émue par André : il se pose des questions, n'ose pas aller plus loin parce qu'au final, son oncle et sa tante sont ses parents, ceux qui l'ont éduqué, élevé et contribué à faire de lui ce qu'il est. J'ai aimé ses hésitations et ses contradictions : on peut désirer connaître le nom de son géniteur sans forcément vouloir en savoir plus... pour ne pas être déçu ? Sans doute.

Les personnages féminins sont très intéressants : Gabrielle, l'indépendante, la rebelle, l'anticonformiste sur laquelle tout semble glisser. Elle sera quelques fois prête à tout avouer puis finalement pas. Le mystère demeure quant à ses motivations et ce n'est pas plus mal. Hélène est plus conventionnelle tout en ayant une belle aura : elle est le mortier qui fait tenir la citadelle.

La relation des deux sœurs est celle de deux êtres du même sang que tout éloigne, le mode de vie, le lieu de vie, le regard sur le monde, et qui restent proches et complices au point qu'André, garçon sans père biologique, grandira grâce à l'équilibre créé par sa mère et sa tante, tuteurs d'une belle vie aux racines fortes bien qu'incomplètes.


« L'histoire du fils » est le premier roman de Marie-Hélène Lafon que je lis. J'avoue qu'il m'a donné envie de lire d'autres romans d'elle car j'ai vraiment apprécié son écriture ciselée qui en peu de mots exprime tant de choses.

Quelques avis

Babelio  En attendant Nadeau  Bibliosurf  Culture tops  La Croix  Sens critique  Tu vas t'abîmer les yeux  Collection de livres  critiques libres  

2 commentaires:

rachel a dit…

J'ai tout simplement adore ce livre...et il en reste tellement de fraicheur et d'amour....malgre le manque....vraiment une bien belle histoire...;)

PatiVore a dit…

Une belle note de lecture qui donne envie de lire ce roman !