dimanche 21 mars 2021

Noces indiennes

 


« A Madras, Savitri la fille du cuisinier de la famille Lyndsay, et David, le fils Lyndsay, se jurent un amour éternel. Dans le Tamil Nadu, Nat est adopté par un médecin blanc et quitte son orphelinat. En Guyane britannique, Saroj, jeune fille rebelle se rebiffe et refuse le mariage arrangé par son père. »

Trois personnages dont les destins croisés sont relatés avec sensibilité par la plume émouvante de Sharon Maas.

Trois histoires d'amour se déroulant à trois époques différentes et sur trois continents. Trois histoires aux méandres plus surprenants les uns que les autres.

Savitri possède une sensibilité extrême au point de savoir «parler» avec les animaux, les comprendre et communiquer avec eux, elle saisit la part de Dieu dans les prières musulmanes et prie, chaque matin, avec les muezzins : le message divin est partout quelle que soit la religion à laquelle il appartient. Aussi, rien ne peut-il être impur aux yeux de cette jeune brahmane.

Elle apporte une touche subtile à chaque chose passant entre ses mains, elle apporte une dimension particulière aux aliments et donc à la saveur de ces derniers quand ils sont cuisinés. Dans ses mains court une énergie spéciale, un fluide peu commun, elle guérit et apaise les âmes comme les corps. Elle a le Don qui se transmet de génération en génération au sein de sa famille, ce don qui fait qu'elle a une aura invisible et pourtant prégnante : à son contact, tout prend une autre dimension ; la rencontre avec le serpent dans le jardin est un moment extraordinaire, le temps s'arrête pour que deux mondes se côtoient dans un respect mutuel ; le jour où David la surprend en train de danser la danse du paon, instant sublime quand l'harmonie du monde se mêle à celle de l'âme et du corps.     

Nat, orphelin au teint clair, est adopté par un médecin anglais dont un pied est en bois. Sur cette particularité rien ne transpirera jusqu’à la fin du roman. Le lecteur ne connaît pas le nom du père adoptif de Nat, il sait seulement que Nat l’appelle « papa » ou « docteur ». Nat grandit dans un village reculé et devient vite réputé pour sa « main d’or » car il porte chance à ceux qu’il touche. Il est éduqué pour succéder à son père et consacrer sa vie aux plus démunis, aux oubliés de l’éveil indien.

Il doit quitter l’Inde pour poursuivre ses études à Londres. Là, c’est le choc culturel : Nat apprend la volupté, le sens de la fête, à conquérir les filles jusqu’à en oublier d’étudier. Puis, il se réveille en s’apercevant qu’il est passé à côté de l’essentiel, qu’il n’a pas revu son père depuis trop d’années. Il veut retourner en Inde, hésite, se décide pour ne pas décevoir l’ami de son père venu le convaincre de rentrer. Nat escompte fausser compagnie lors de l’étape ceylanaise, il ne peut le faire et revient dans son village perdu près de Madras… en pleine mousson. Il prend conscience qu’il a fait fausse route toutes ces années, qu’il doit devenir médecin.

Saroj, la rebelle qui hait son père depuis qu’il a chassé sa nounou parce qu’elle l’avait laissée jouer avec le petit voisin noir. Baba est un indien traditionnaliste et rigoriste alors qu’on pourrait s’attendre à ce que le poids des traditions s’estompe à l’autre bout du monde. Baba a décidé que Saroj épousera le jeune homme qu’il lui a choisi. La chape de plomb du mariage arrangé fait exploser le cocon familial dans une cacophonie de pleurs et de chagrin. Ma, la mère si consensuelle, si indienne, disparaît dans les flammes de l’incendie qui ravage la maison familiale et anéantit le jardin magnifique qu’elle a créé, elle qui sait si bien marier les saveurs, qui a la main verte, qui sait comprendre les cœurs, qui sait manœuvrer son époux, Baba.

C’est en Angleterre, à Londres et ses environs, que le dénouement aura en partie lieu, où les colères s’apaiseront, où les blessures cicatriseront. Les fils du maillage du récit font alors sens : le lecteur rassemble les indices dispersés tout au long du roman pour apprendre ce qui se cache sous ces destins croisés.

 

Sharon Maas orchestre plusieurs tableaux représentatifs de l’Inde qu’elle aime malgré les zones d’ombre : la pauvreté, l’insalubrité des demeures des indigents, la rigidité du système des castes qui perdure jusqu’en Guyane britannique, les femmes soumises à la décision des hommes et/ou à leur cruauté.

Le lecteur est transporté dans un rythme bollywoodien, les rebondissements sont nombreux ainsi que les scènes plus sentimentales sans que cela ne sombre dans le pathos ou le sirupeux.

J’ai aimé les couleurs, les saveurs qui imprègnent le roman ainsi que la manière de dérouler une partie de l’histoire moderne de l’Inde tiraillée entre les idées nouvelles et les croyances, les traditions ancestrales et les non-dits des pratiques millénaires. Le carcan se fissure puis craque dans la douleur et le chagrin parfois.

Cependant, le dénouement apporte une note optimiste et insuffle l’espoir de voir évoluer tant le système des castes que la condition féminine que ce soit celle des femmes éduquées et celle des femmes les plus démunies.

Je ne connaissais pas cette auteure et j’ai envie de continuer à la lire, notamment son autre roman « La danse des paons ».

Je remercie Hilde pour l’organisation de cette lecture commune dans le cadre des Etapes indiennes.


Roman traduit de l’anglais par Martine Leroy-Battistelli

 

Quelques avis :

 Rachel  Babelio  Sens critique  Livraddict  La livrophile  Critiques libres  Noisette  Bienvenue du côté de chez Cyan  

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3 commentaires:

rachel a dit…

Oh oui je veux maintenant lire la danse des paons...ouiii

Hilde a dit…

J'ai trouvé ce roman vraiment captivant et j'aime beaucoup l'écriture de Sharon Maas. Elle a vraiment un don pour raconter les histoires, décrire la vie des personnages, l'environnement dans lequel ils évoluent. Dans La Danse des Paons, je crois que la psychologie des personnes est encore plus détaillée.

Katell a dit…

Tu me donnes encore plus envie de lire "La danse des paons". J'ai découvert une auteure à la belle écriture et au sens de la mise en situation des intrigues et des personnages.