« A Madras, Savitri la fille du cuisinier de la famille Lyndsay, et David, le fils Lyndsay, se jurent un amour éternel. Dans le Tamil Nadu, Nat est adopté par un médecin blanc et quitte son orphelinat. En Guyane britannique, Saroj, jeune fille rebelle se rebiffe et refuse le mariage arrangé par son père. »
Trois personnages dont les destins croisés sont relatés avec
sensibilité par la plume émouvante de Sharon Maas.
Trois histoires d'amour se déroulant à trois époques
différentes et sur trois continents. Trois histoires aux méandres plus
surprenants les uns que les autres.
Savitri possède une sensibilité extrême au point de savoir
«parler» avec les animaux, les comprendre et communiquer avec eux, elle
saisit la part de Dieu dans les prières musulmanes et prie, chaque matin, avec
les muezzins : le message divin est partout quelle que soit la religion à
laquelle il appartient. Aussi, rien ne peut-il être impur aux yeux de cette
jeune brahmane.
Elle apporte une touche subtile à chaque chose passant entre
ses mains, elle apporte une dimension particulière aux aliments et donc à la
saveur de ces derniers quand ils sont cuisinés. Dans ses mains court une
énergie spéciale, un fluide peu commun, elle guérit et apaise les âmes comme
les corps. Elle a le Don qui se transmet de génération en génération au sein de
sa famille, ce don qui fait qu'elle a une aura invisible et pourtant
prégnante : à son contact, tout prend une autre dimension ; la
rencontre avec le serpent dans le jardin est un moment extraordinaire, le temps
s'arrête pour que deux mondes se côtoient dans un respect mutuel ; le jour
où David la surprend en train de danser la danse du paon, instant sublime quand
l'harmonie du monde se mêle à celle de l'âme et du corps.
Nat, orphelin au teint clair, est adopté par un médecin anglais
dont un pied est en bois. Sur cette particularité rien ne transpirera jusqu’à
la fin du roman. Le lecteur ne connaît pas le nom du père adoptif de Nat, il
sait seulement que Nat l’appelle « papa » ou « docteur ».
Nat grandit dans un village reculé et devient vite réputé pour sa « main d’or »
car il porte chance à ceux qu’il touche. Il est éduqué pour succéder à son père
et consacrer sa vie aux plus démunis, aux oubliés de l’éveil indien.
Il doit quitter l’Inde pour poursuivre ses études à Londres.
Là, c’est le choc culturel : Nat apprend la volupté, le sens de la fête, à
conquérir les filles jusqu’à en oublier d’étudier. Puis, il se réveille en s’apercevant
qu’il est passé à côté de l’essentiel, qu’il n’a pas revu son père depuis trop
d’années. Il veut retourner en Inde, hésite, se décide pour ne pas décevoir l’ami
de son père venu le convaincre de rentrer. Nat escompte fausser compagnie lors
de l’étape ceylanaise, il ne peut le faire et revient dans son village perdu
près de Madras… en pleine mousson. Il prend conscience qu’il a fait fausse
route toutes ces années, qu’il doit devenir médecin.
Saroj, la rebelle qui hait son père depuis qu’il a chassé sa
nounou parce qu’elle l’avait laissée jouer avec le petit voisin noir. Baba est un
indien traditionnaliste et rigoriste alors qu’on pourrait s’attendre à ce que
le poids des traditions s’estompe à l’autre bout du monde. Baba a décidé que
Saroj épousera le jeune homme qu’il lui a choisi. La chape de plomb du mariage
arrangé fait exploser le cocon familial dans une cacophonie de pleurs et de
chagrin. Ma, la mère si consensuelle, si indienne, disparaît dans les flammes
de l’incendie qui ravage la maison familiale et anéantit le jardin magnifique qu’elle
a créé, elle qui sait si bien marier les saveurs, qui a la main verte, qui sait
comprendre les cœurs, qui sait manœuvrer son époux, Baba.
C’est en Angleterre, à Londres et ses environs, que le
dénouement aura en partie lieu, où les colères s’apaiseront, où les blessures
cicatriseront. Les fils du maillage du récit font alors sens : le lecteur
rassemble les indices dispersés tout au long du roman pour apprendre ce qui se
cache sous ces destins croisés.
Sharon Maas orchestre plusieurs tableaux représentatifs de l’Inde
qu’elle aime malgré les zones d’ombre : la pauvreté, l’insalubrité des demeures
des indigents, la rigidité du système des castes qui perdure jusqu’en Guyane
britannique, les femmes soumises à la décision des hommes et/ou à leur cruauté.
Le lecteur est transporté dans un rythme bollywoodien, les
rebondissements sont nombreux ainsi que les scènes plus sentimentales sans que
cela ne sombre dans le pathos ou le sirupeux.
J’ai aimé les couleurs, les saveurs qui imprègnent le roman ainsi
que la manière de dérouler une partie de l’histoire moderne de l’Inde tiraillée
entre les idées nouvelles et les croyances, les traditions ancestrales et les
non-dits des pratiques millénaires. Le carcan se fissure puis craque dans la
douleur et le chagrin parfois.
Cependant, le dénouement apporte une note optimiste et
insuffle l’espoir de voir évoluer tant le système des castes que la condition féminine
que ce soit celle des femmes éduquées et celle des femmes les plus démunies.
Je ne connaissais pas cette auteure et j’ai envie de
continuer à la lire, notamment son autre roman « La danse des paons ».
Je remercie Hilde pour l’organisation de cette lecture
commune dans le cadre des Etapes indiennes.
Roman traduit de l’anglais par Martine Leroy-Battistelli
Quelques avis :
3 commentaires:
Oh oui je veux maintenant lire la danse des paons...ouiii
J'ai trouvé ce roman vraiment captivant et j'aime beaucoup l'écriture de Sharon Maas. Elle a vraiment un don pour raconter les histoires, décrire la vie des personnages, l'environnement dans lequel ils évoluent. Dans La Danse des Paons, je crois que la psychologie des personnes est encore plus détaillée.
Tu me donnes encore plus envie de lire "La danse des paons". J'ai découvert une auteure à la belle écriture et au sens de la mise en situation des intrigues et des personnages.
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