mercredi 19 mai 2021

Dur, dur d'être la benjamine

 


Susie Morgenstern revisite son enfance à Newark aux Etats-Unis, état du New-Jersey, benjamine d'une sororie de trois filles. Les deux aînées, Sandra et Effie, sont déjà adolescentes tandis que la petite Susie, du haut de ses dix ans, est la « petite dernière » que l'on aime bien employer pour faire les tâches qui rebutent les « grandes » et qu'on aime bien gentiment rudoyer.

Le grand drame de la vie de Susie est d'être la « petite dernière », ses sœurs sont soit plus jolies ou plus drôles qu'elle. Lui confiera-t-on un jour une mission de grande comme éplucher les légumes, mettre la table, faire des courses ? Tout ce qui lui est demandé c'est faire ses devoirs, être attentive et de bien travailler en classe.

A-t-elle quelque chose qui la démarque de ses soeurs? Tout simplement sa vivacité d'esprit, sa curiosité intellectuelle et sa soif de comprendre le monde qui l'entoure. Sans compter sa capacité à partager de nombreux moments avec la jolie Sandra et Effie, la rigolote.

Le quotidien de la famille, juive, de Susie est délicieusement servi par les dessins tendres et empreints d'humour joyeux par Johann G.Louis qui croque les petits riens au fil des saisons et des événements.

On ne peut résister au soir d'Halloween au cours duquel les trois sœurs reconstituent leurs réserves de friandises pas vraiment autorisées par leur confession religieuse. Elles sont drôles, désopilantes, on les suit, insouciant, comme elles, dans leur déambulation déguisée. Jusqu'au moment où Susie est à la traîne et « disparaît » quelques instants pour revenir auprès de ses aînées, son panier délesté d'une grande partie de sa collecte « des bonbons ou des sorts ». Bien entendu, Susie la gourmande n'a pu résister à l'appel des friandises. Sauf que... non...Susie n'a pas dévoré ses bonbons, Susie a été rackettée par Walter un élève de son école qui lui dérobe quasiment tout. Susie ne dira rien. Quelques semaines plus tard, Walter l'interpelle uniquement pour lui balancer un « T'es qu'une sale juive ». Peu à peu Susie perd son entrain habituel, redoute de se rendre à l'école jusqu'à en perdre le goût d'étudier. Elle apprendra combien les préjugés raciaux ou religieux ont la vie dure même dans la grande et belle Amérique.

Il y a des épisodes savoureux comme celui des escapades régulières des trois sœurs pour acheter des hamburgers bien gras et pas cascher, ou celui de la dispute suite au caftage de Susie de l'opération « hamburgers » qui dégénère au point que les aînées la poussent à travers la vitre qui se brise et provoque la chute de Susie. Quelle explication servir à leur mère  ? Un mensonge énorme pardi « On en avait marre de Susie, alors on l'a passée à travers la vitre. »

Petit à petit, Susie partira en quête de l'histoire familiale suite à plusieurs événements : celui de la mort de son grand-père maternelle, celui de l'altercation avec Walter et celui de l'accueil de parents venus de Pologne, on explique à Susie qu'ils ont vécu l'enfer là-bas. Or, elle ne sait rien des horreurs et atrocités commises par les nazis. Elle ne comprend pas pourquoi le couple est si triste, si terne, voûté comme s'il portait tous les malheurs du monde sur ses épaules. Susie écoutera les non-dits, lira le « Journal d'Anne Franck », glanera des informations et comprendra la tristesse absolue de ces parents éloignés venus de Pologne, de l'autre bout du monde.

« La petite dernière » permet également, au gré des souvenirs de Susie Morgenstern, de croiser les commères du quartier ainsi qu'un couple pas comme les autres : celui que forment Charlotte et Arlène, deux jeunes femmes artistes peu appréciées des gens du quartier qui les appellent les « sorcières ». Les préjugés peuvent amener les gens à être cruels ce qui conforte la fillette dans son esprit de tolérance et son envie d'écrire.


L'adaptation en bande dessinée du roman « La petite dernière » de Susie Morgenstern est une vraie réussite : on se laisse guider de case en case, faites à l'aquarelle, au gré de la poésie et de l'humour tant du texte que des illustrations.

On respire avec bonheur la joie immense de l'année des dix ans de l'auteure, souvenirs mêlant insouciance de la fin de l'enfance et questionnements philosophiques sur l'existence, la vie, ses travers et ses beautés.


Quelques avis :

Babelio  Sens critique  France culture  Nouvel Obs

Le blog de l'auteure: clic!

Merci à Babelio et aux éditions Dargaud pour cette jolie lecture.


3 commentaires:

Cristie a dit…

Un vent de fraicheur que ce livre si j'ai bien compris. Je le laisserais bien souffler sur moi également !

Katell a dit…

Tu peux te lancer sans risque.

rachel a dit…

Oh oui cela semble etre tout un chouette livre...punaise