« Meurtre dans un jardin anglais » est un film de Peter Greenaway que j'avais visionné il y a bien longtemps. Le Challenge British Mysteries spécial mois de mars m'a incitée à le revoir pour mon plus grand plaisir.
«Au XVIIe siècle, une aristocrate, profitant de l'absence de son mari, engage un peintre pour immortaliser son domaine. En dédommagement, elle lui offre la totale jouissance de son corps. L'artiste découvrira trop tard les buts secrets de cet agréable contrat. »
J'ai suivi le jeu de piste à travers les dessins avec délectation : les détails sont semés au fil des séances du peintre paysagiste, gorgé parfois de suffisance. Les changements sont subtils et comme Mr Neville ne veut en rien les occulter, les dessins deviennent des pièces à conviction.
L'intrigue est bien menée, n'en déplaise aux esprits chagrins qui éreintent régulièrement le film, elle apporte peu à peu les indices nécessaires au dénouement. On pense, forcément, aux « Les liaisons dangereuses » dont le machiavélisme était extraordinaire, l'ingénu, ici, se décline, de manière plus retorse, au masculin. Les tromperies, sarcasmes, duplicités et jeu de dupe emportent le spectateur dans moult spéculations : où est passé Mr Herbert ? A-t-il jamais quitté son domaine, Compton Anstey ? Mr Neville a-t-il réellement une emprise sexuelle sur Mrs Herbert ?
Le maniérisme de la fin du XVIIè siècle est bien mis en valeur dans des scènes-tableaux où tout est pensé et organisé avec soin. Et on suit, amusé, les déambulations d'un nu peint en doré, argent, cuivre ou en bronze, facétieux témoin des mensonges orchestrés par la charmante compagnie de Mrs Herbert. Ce nu m'a semblé être celui qui tente d'alerter le peintre-paysagiste quant aux faux-semblants dont il est l'objet. Or Neville ne voit rien hormis l'occasion de subjuguer une aristocrate délaissée par son mari et ainsi blesser une classe sociale qu'il n'aime pas et dont il dépend pour vivre de son art.
L'affaire prend de l'ampleur quand la fille de Mrs Herbert passe aussi un contrat sexuel avec Neville. Il faut dire qu'elle est bien mal mariée, que son époux ne semble guère enthousiaste à combler les appétits de sa jeune épouse. Aussi, quand on sait que selon le droit anglais, une femme ne peut hériter des titres et domaines de sa famille, la raison des contrats passés par ces dames devient évidente : conserver le patrimoine à tout prix quitte à être enceinte d'un autre que son mari.
C'est pourquoi Neville devient gênant quand il commence à saisir le jeu de dupe dont il fera les frais. Son sort est scellé lors d'une scène nocturne au cours de laquelle ses dessins seront, un à un, détruits par le feu. Il n'aura pas le temps d'achever son treizième dessin dans lequel il escomptait montrer qu'il avait deviné la machination imaginée par son hôtesse.
On peut regretter que l'intrigue policière ne soit pas aboutie alors qu'elle paraît calculée, dans une géométrie parfaite par les instruments de mesure du peintre-paysagiste pour évaluer la perspective.
Le spectateur se voit dans l'obligation de résoudre une charade complexe et déroutante en reconstruisant les nombreuses lignes de fuite d'un puzzle subtil. Les fulgurances de Neville lorsqu'il s'interroge en compagnie de Mrs Herbert sur les intrigues semblant se nouer dans les jardins surpeuplés et lui demandant si un meurtre ne serait pas en train d'être ourdi.
« Meurtre dans un jardin anglais » est un film maniériste où sont déroulées, avec efficacité, de nombreuses allégories renvoyant à de célèbres peintres tels que de La Tour ou Caravage avec le jeu des clair-obscur. La grenade pressée par Mrs Herbert en est une également : le jus rouge rappelle le sang, celui des grossesses non abouties et celui du meurtre à venir.
La bande originale est un élément non négligeable de la réussite du film : elle accompagne les tribulations du peintre et les recherches d'indices du spectateur.
Quelques avis :
Sens critique Cinéclub de Caen
Visionné dans le cadre
1 commentaire:
Et bin cela semble etre un bien bon film...;)
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