samedi 27 mars 2021

Moucheurs, taquinons le saumon en Ecosse

 


Je continue d'explorer le « Cosy mystery » , après les deux premières aventures d'Agatha Raisin l'an dernier, la première enquête du duo Loveday et Ryder, l'approche des mystères de Honey Church puis la découverte de l'incroyable Lady Gorgiana alias Son Espionne Royale, je suis partie en Ecosse faire la connaissance d'un certain Hamish Macbeth, policier municipal de son état dans une bourgade au cœur des Highlands, Lochdubh.


Une école de pêche à la mouche qui organise régulièrement des stages de pêche au saumon pour les mordus de la canne à pêche, des stagiaires plus étonnants les uns que les autres et une ambiance tendue entre eux devient le terreau idéal pour une intrigue mordante.

Hamish, gaillard rouquin, est dépourvu d'ambition professionnelle tout en étant doté d'une intuition naturelle, il aime déambuler dans le village, vaguement sermonner les braconniers dont le terrain de jeu est le domaine d'un riche propriétaire foncier du coin, Sir Halburton-Smythe ; il aime jouer au pique-assiette, l'air de rien, toujours à se faire offrir un café ou un repas. Il aime aussi, sans peu d'espoir de retour, la délicieuse Priscilla Halburton-Smythe qui le secondera dans son enquête. Ne pas oublier son chien baveux, compagnon indéfectible répondant au nom de Towser.


Chaque lundi le couple John et Heather Cartwright accueille un groupe de stagiaires pour leur apprendre les subtilités de la pêche à la mouche et ferrer ainsi saumons et truites dans les lochs des environs. Certains « moucheurs » reviennent régulièrement attirés par la beauté des lochs et des paysages et surtout intéressés par les tarifs très raisonnables appliqués par l'école.

Fait surprenant, l'ambiance entre les stagiaires est tout de suite tendue ce qui n'augure rien de bon aux yeux de John Cartwright : ces derniers se regardent en « chien de faïence » sans piper mot. La glace sera-t-elle difficile à briser ?

Le ton est rapidement donné par une des participantes, une dame à l'allure imposante et à l'air revêche, Lady Jane Winters, langue de vipère notoire du milieu journalistique londonien. Que vient-elle faire dans ce coin perdu des Highlands ? Un reportage incognito ? Toujours est-il qu'elle met mal à l'aise les participants par ses remarques cruelle et vipérines, agaçant sans cesse les uns et les autres. Seul est épargné le benjamin de la bande, le jeune Charlie âgé d'une douzaine d'années.

Les stagiaires forment une galerie de portraits hétéroclites : le couple new-yorkais, Jeremy le jeune homme riche et séduisant, Daphné une jeune femme issue d'un milieu aisé, un colonel vantard, Alice une jeune femme de milieu modeste, timide et d'une grande naïveté à la recherche du prince charmant et Lady Jane Winters artiste en matière de saupoudrage de givre dans les relations humaines.

Tout est réuni pour que la situation de délite lentement mais sûrement. L'intrigue s'installe doucement, tisse les liens possibles entre chaque personnage, elle orchestre les situations qui apporteront, subtilement, le chaos. Ce dernier survient lorsqu'on découvre le corps de Lady Jane lors d'une leçon de pêche. Qui a pu perpétrer ce crime épouvantable ? Le Colonel Moutarde, le Docteur Olive, Mademoiselle Rose, Madame Pervenche, Madame Leblanc ou le Professeur Violet ?

Quant à l'arme du crime...


Le pauvre Hamish est très vite mis sur la touche par l'équipe de détectives chevronnés d'Edimbourg et relégué au rôle de spectateur. Or, c'est sans compter son caractère bien trempé tapi sous une apparente désinvolture et oublier l'intuition qui le taraude et l'amène à enquêter de son côté et à son rythme.

Grâce à sa très grande famille dispersée aux quatre coins du monde, Hamish réussit à rassembler divers renseignements sur la victime et les stagiaires qui pourraient avoir tous une bonne raison de faire taire la très mordante Lady Jane, terreur des tabloïds et célèbre pour ses portraits au vitriol des gens rencontrés lors de ses reportages à sensation. Son domaine ? Découvrir les petits secrets que chacun garde bien cachés dans ses placards. En quelques coups de plume, Lady Jane peut ruiner la plus enviable des positions sociales.

Le dénouement aura lieu grâce à la perspicacité et à la sagacité d'Hamish qui ridiculise l'équipe de gros bras diligentée au village.

Ce qui fait le charme de ce « Cosy mystery » est l'art de dentellière de l'auteure, M.C Beaton, dans les interactions de ses personnages qui se croisent, s'éloignent pour de nouveau de rapprocher dans des concours de circonstances dictés par des motivations peu élégantes. Ainsi en est-il avec le beau gosse Jeremy, séducteur irritant, et ses conquêtes, Daphné et Alice. La première étant plus aguerrie que la seconde qui ne voit pas combien le bellâtre – vraiment ce personnage m'a agacée et je n'ai éprouvé aucune empathie envers lui – la manipule pour obtenir ce dont il a envie.

M.C Beaton décortique avec humour, teinté d'ironie, la nature humaine avec ce qu'elle a de pire et de meilleur en elle. Ainsi Alice comprendra-t-elle que la richesse appelle la richesse, que le Prince Charmant n'existe que dans les contes et qu'elle vaut mieux que tout le clinquant qui attire le misérable bourdon Jeremy.

« Qui prend la mouche » est un roman dont l'intrigue se déroule un peu à la manière de la pêche à la mouche : on lance la ligne avec une délicatesse alliée à une maîtrise du poignet pour effleurer l'eau avec la mouche et attirer peu à peu sa proie. Le lecteur se laisse attirer par les petits détails, les trouvailles au bon moment ce qui le fait avancer et surtout ne pas lâcher le livre.

« Qui prend la mouche » est aussi ce qui arrive aux personnages : qui prend la mouche peut perdre beaucoup plus qu'il n'y a à gagner. Aussi est-il plus sage d'ignorer les piques venimeuses de Lady Jane à moins qu'on ne soit trop impulsif comme un saumon ne pouvant résister à l'appel scintillant d'une mouche au ras de l'eau.

J'avoue avoir craqué pour la nonchalance teintée de fausse désinvolture d'Hamish Macbeth : il est drôle, il est intuitif, il est amoureux d'une étoile hors d'atteinte, il aime sa vie et surtout il aime les gens.

Il a un goût de revenez-y auquel je succomberai avec joie parce que Hamish Macbeth est un peu l'inspecteur Colombo écossais : il semble un peu niais, lent à agir et joue avec subtilité sur ce qui paraît et le faux-semblant. Il joue à être benêt alors qu'il est loin de l'être... comme Colombo.


Roman traduit de l'anglais par Karine Guerre


Quelques avis :

Babelio  Polar zone livre  L'heure de lire  Elodie  Pativore  The cannibal lecteur  Sens critique  Clarabel  A livre ouvert Les lectures d'Alexielle

Lu dans le cadre



2 commentaires:

rachel a dit…

oh tout un cosy book...cela fait du bien en ce moment la...;)

Katell a dit…

C'est vrai que nous avons besoin de légèreté et d'humour en ce moment.
Hamish Macbeth m'a charmée et j'aime beaucoup ce personnage. Je lirai les opus suivants avec plaisir.