J'ai retrouvé avec joie Finley Macleod et son île écossaise. Fin a divorcé de sa femme et a quitté la police d'Edimbourg pour revenir sur Lewis. Son projet ? Se reconstruire et remettre en état la ferme de ses parents.
Un cadavre momifié est retrouvé dans une tourbière sur l’île
de Lewis, George Gunn, avec lequel Fin avait travaillé, est chargé de l’enquête.
Il n’est pas rare que des corps momifiés soient retrouvés par les ramasseurs de
tourbe, aussi pense-t-on immédiatement que le corps mis au jour date de quelques
centaines d’années. Or il n’en est rien : il s’avère que la date de la
mort remonte à une bonne cinquantaine d’années, autant dire hier, une mort
violente puisqu’il a eu la gorge tranchée. George Gunn fait appel à Fin Macleod
pour l’aider.
Qui est ce mort ? D’où vient-il ? Personne ne le
reconnaît malgré l’extraordinaire conservation du visage donc il n’est pas du
coin.
Lors de l’autopsie, un tatouage représentant Elvis Presley et
le titre d’une de ses chansons est remarqué ainsi que les traces laissées par
un vêtement ou une couverture de laine. L’affaire devient épineuse quand l’analyse
de l’ADN du mort présente de grande similitude avec l’ADN du père de Marsaili
Macdonald, Tormod. Comment se fait-il que le vieux Tormod ait des liens de sang
donc familiaux avec l’inconnu de la tourbière ? Quel secret
dissimule-t-il ? Est-il le meurtrier ?
Très vite, le lecteur sait que Tormod est atteint de la
maladie d’Alzheimer puisque le roman se partage entre les événements du présent
et ceux du passé relatés à la première personne par Tormod. Comme dans « L’île
des chasseurs d’oiseaux » il collationne avec patience les bribes d’indices
dans le récit pour reconstituer le puzzle et ainsi trouver réponses aux
questions posées par l’enquête. Il suit la progression de Fin dans le passé du
vieil homme qui ne peut se défendre, perdu dans les béances de sa mémoire qui part
en lambeaux. Tel un saumon, Fin – avec à ses côtés le lecteur – remonte la
rivière du temps pour découvrir peu à peu un véritable drame social et humain,
facette sombre d’un épisode de l’histoire des îles écossaises : le sort
réservé à des milliers d’orphelins et d’enfants abandonnés par l’église catholique
qui les plaçaient dans des structures plus
ou moins accueillantes avant de les envoyer comme main d’œuvre très bon marché dans
les îles Hébrides extérieures… dont fait partie l’île de Lewis et de Harris.
Tormod revit dans la douleur ce passé tapi depuis si
longtemps au plus profond de son être et grâce à ses fulgurances, Fin remonte,
inlassablement, la piste ténue du destin tragique des « homers ».
Cinquante ans plus tôt, deux frères devenus orphelins sont
admis dans un orphelinat : l’aîné, Johnny, a juré sur le lit de mort de sa
mère de toujours veiller sur son cadet, Peter, diminué intellectuellement
depuis son accident. Ils rencontrent une jeune fille, joyeusement délurée, dont
ils font leur amie, elle est aussi catholique. Quelques années passent, au
cours d’une fête nocturne sur le toit de l’institution qui les a recueillis,
The Dean Residence, un différent se produit entre Peter et un des gars de l’école
du village. Pour réparer l’outrage, Johnny se mesure avec lui sur un pont. Il
réussit à franchir les obstacles sans encombres, plus rapide que son
adversaire. Ce dernier est trop près de la rambarde, Peter veut le retenir… sans
succès. Le garçon tombe dans le vide et se tue. Or ce dernier appartient à une famille
de délinquants notoires.
Suite à cet accident, Johnny, Peter et la jeune fille sont
envoyés sur une des Hébrides extérieures, non loin de Lewis, chez des paysans.
C’est là que quelques années plus tard, les frères du garçon tombé du pont retrouvent
leur piste et exercent leur vengeance. Johnny et Peter disparaissent à jamais…
jusqu’à ce que la tourbe de Lewis libère un corps.
Les paysages sont somptueux, leur description extraordinaire,
l’auteur envoûte son lecteur et le tient en haleine de bout en bout.
Le tragique, le sombre et le sordide côtoient la lumière et
la beauté des âmes et de la nature sauvage et écorchée des Hébrides. En plein
été l’Arctique se rappelle au bon souvenir des habitants de ces îles battues par
les vents et les vagues d’un océan sans pitié.
Peter May invite son lecteur à pénétrer au cœur des
traditions insulaires : la récolte de la tourbe et la confection de
lainages huilés et tissés de manière tellement serrée qu’ils en deviennent
imperméables. Chaque famille de pêcheurs avait ses motifs et ses couleurs ce
qui permettait de connaître l’identité des marins trépassés lors des campagnes
de pêche.
Il dévoile également, dans "L'homme de Lewis", une période peu glorieuse de l’histoire
écossaise : le destin cruel et poignant des orphelins déportés, les « Homers »
dans les îles Hébrides extérieures ou en Australie. Ils furent exploités sans
vergogne, soumis aux pires sévices, abandonnés par l’Eglise catholique qui
aurait du les protéger. Cette pratique a perduré en Ecosse jusque dans les années
1970. Bien entendu, le but de l’Eglise n’était pas d’en faire des esclaves sauf
que l’on sait, hélas, que l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions, à
savoir ici, la volonté de contribuer au repeuplement de ces îles lointaines et
isolées d’obédience catholique et de limiter les effets des mariages
consanguins, fréquents dans des sociétés évoluant sur un territoire limité avec
peu d’échanges avec l’extérieur.
Peter May orchestre le suspense jusqu’à la fin avec brio pour
le plus grand plaisir du lecteur.
Traduit de l’anglais par Jean-René Dastugue
Quelques avis :
2 commentaires:
je n'en ai pas lu beaucoup mais j'ai aimé ce que j'ai lu de lui!
Oh oui toute une magnifique trilogie....j'adore retourner sur ces iles avec Peter May...;)
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