L'an dernier j'ai découvert, en participant au Mois Anglais, le charme ineffable des romans « vintage ». Après « Des femmes remarquables » de Barbara Pym, j'ai sorti de ma Pile A Lire « Les aventures de Cluny Brown » de Margery Sharp.
Hitler fait parler de lui en Europe, la menace d'un conflit armé gagne chaque de jour de l'ampleur. Cependant, l'Angleterre reste elle-même, engoncée dans son carcan moral, immuable comme un manoir à la campagne ou un hôtel particulier à Belgravia. Chaque chose a sa place dans le paysage ou une maison... les êtres humains ont également chacun leur place dans la société et tout le monde doit s'y tenir.
Or Cluny Brown, nièce d'un plombier londonien, bouscule, l'air de rien, les conventions en suivant ses idées et ses envies. A un point tel que l'oncle lui trouve rapidement une place de bonne dans le Devonshire, à Friars Carmel, résidence de Sir et Lady Carmel.
A peine débarquée du train, Cluny se fait remarquer en arrivant en Rolls Royce, celle du colonel voisin de ses employeurs, au domaine des Carmel : elle est parvenue à calmer le labrador, Roddy, du colonel qui pour la remercier l'accompagne en voiture.
Cluny sait-elle où se trouve sa place ? N'en fait-elle pas trop à vouloir toujours regarder plus loin que le bout de son nez, faisant fi des conventions ?
Ce que sait Cluny c'est qu'elle veut vivre des aventures, voir le monde et multiplier les expériences. Elle est grande, mince, a des cheveux attachés en queue de cheval rebelle. Personne ne lui trouve aucun charme et pourtant elle intrigue et pique la curiosité de celui ou celle qui l'observe.
Cluny possède une curiosité intellectuelle surprenante pour quelqu'un de sa condition sociale ce qui dérange l'ordre établi. Pourtant, personne ne peut lui en vouloir longtemps tant son caractère, fantasque mais franc, apporte un peu de fraîcheur dans l'immobilisme des jours.
Cluny est une jeune femme de chambre pétillante, décontractée, un brin délurée, honnête, s'appliquant à faire son travail consciencieusement, à comprendre le monde qui l'entoure. Ces qualités font qu'elle est très attachante : on l'aime bien, Cluny bien qu'elle ne fasse jamais ce qu'on attend d'elle!
Pour elle, c'est certain, la vie est ailleurs qu'à Londres ou dans le Devonshire, ailleurs oui mais où ? Dans les promenades aux alentours de Friars Carmel en compagnie de Roddy, le labrador énergique et joueur, et du pharmacien Mr Wilson qui s'éprend, peu à peu, de la jeune fille ? La vraie vie est-elle à écouter et observer la jeunesse aristocratique ou encore se trouve-t-elle dans les échanges, au débotté, avec le Professeur Belinski, intellectuel polonais fuyant le nazisme ?
Je me suis laissée charmée par ce roman délicieusement anglais tant par son humour de chaque instant que par l'atmosphère typiquement britannique : Lady Carmel, ses roses et son jardin, Sir Carmel et ses promenades équestres ou l'immuable tea time au charme indicible.
« Les aventures de Cluny Brown » offre au lecteur des personnages attachants qu'il a envie de suivre jusqu'au bout. Margery Sharp a réussi un coup de maître en mettant en scène deux héros aussi dissemblables l'un que l'autre et pourtant fantasques et imprévisibles. Cluny et Belinski forment un duo depuis leur rencontre, duo invisible dont personne, même pas eux, ne soupçonne l'existence. Ils sont tous les deux atypiques et surprenants : ils sont en quête, chacun à leur manière, du bonheur et de l'amour.
L'auteure les fait évoluer avec intelligence grâce à son style énergique, pétillant et empreint d'humour : elle aime ses personnages et les malmène juste ce qu'il faut pour ne pas sombrer dans la niaiserie. D'ailleurs, la chute est à l'image du roman... surprenante.... je n'ai rien vu venir et ce à ma plus grande joie.
« Les aventures de Cluny Brown » est un roman agréable à lire qui n'occulte pas les conventions sociales sclérosantes et étouffantes, pouvant tuer dans l'oeuf les plus louables aspirations – comme celles de s'élever dans l'échelle sociale – et parvient à les critiquer avec espièglerie : Betty Cream, délicieusement belle, est aussi délurée que Cluny et bouscule également les conventions de son milieu social en ne cherchant pas à s'établir avant d'avoir pu s'amuser comme bon lui semble.
Cluny et Betty représentent deux voies de l'émancipation féminine et apportent du rythme au roman avec leur conception de la vie.
Traduit de l'anglais par Yves-Gérard Dutton
Quelques avis :
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5 commentaires:
Tant mieux si ce roman a bien fonctionné pour toi ! De mon côté, bof...
Et bin tu donnes envie...une aventure so english...
J'aime assez le charme vintage de Barbara Pym. Celui-ci a l'air pas mal aussi.
J'en garde le souvenir d'un roman "frais" et léger avec lequel j'avais passé un bon moment !
Je me souviens d'avoir vu le film qui était pas mal.
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