Pour illustrer le thème du mois de juillet pour le challenge
« Une année en Angleterre », après bien des tergiversations, j'ai
choisi, grâce à une participante, de lire « Il était un fleuve » de
Diane Stetterfield dont j'avais lu, il y a quelques années, « Le treizième
conte ».
Juillet et son thème « voyage en Angleterre », m'a
emmenée sur les rives de la Tamise, en amont de Londres, pour suivre quelques
méandres de secrets, de fables et de mystères.
Il y a le Swan, auberge au bord de la Tamise, tenue par une
famille nombreuse dont le pater familias, Joe, a un don pour raconter les
histoires.
« Aux frontières de ce monde, existent d’autres mondes.
Il est des gués que l’on peut traverser. En voici un. » L’incipit est, à
lui seul, déjà un voyage. Puis le roman s’ouvre sur ces mots « Il
était une fois une auberge paisiblement installée sur les berges de la Tamise à
Radcot, à une journée de marche de la source. Les auberges étaient nombreuses
en amont du fleuve à cette époque, et partout on pouvait s’y soûler, mais outre
le cidre et la bière qu’il convenait d’y trouver, chacune présentait une spécificité.[…]
Le Swan, à Radcot, possédait aussi sa spécialité. On s’y rendait pour écouter
des histoires. » Le décor est planté par l’auteure dans cette belle ouverture
romanesque, le fleuve charrie autant de marchandises, d’hommes que de mystères.
Par une nuit du solstice d’hiver, les histoires vont bon
train au Swan, notamment celle issue de la bataille du Radcot Bridge au cours
de laquelle, en 1387, deux grandes armées se confrontèrent provoquant la perte
de huit cent soldats. Seuls, trois hommes en réchappèrent, un chevalier, un
valet et un jeune garçon. Depuis cinq cents ans, le sort des pauvres âmes
perdues est revisité par les conteurs du Swan. Les histoires se déroulent, sans
fin, quand un inconnu arrive, gravement blessé, portant dans ses bras une
espèce de mannequin.
L’homme tombe, inconscient, il est transporté dans une salle
à coté pendant qu’un commensal court quérir Rita Sunday, l’infirmière de la
région. Cette dernière prend en charge le blessé et apprend que le mannequin s’est
révélé être une fillette. Elle l’examine et constate qu’elle ne donne aucun
signe de vie. La petite est installée dans la pièce la plus froide de l’auberge
tandis que l’inconnu reçoit les soins appropriés. Plus tard, dans la nuit, Rita
se rend auprès du corps de la fillette, lui prend la main, tâte son poul et…miracle
le cœur bat doucement, tout doucement.
La fillette, revenue d’entre les morts, d’où vient-elle ?
Qui sont ses parents ? Les gens se souviennent de la disparition, deux ans
plus tôt, d’une fillette, Amélia Vaughan. Serait-ce elle ?
Commence alors un récit haletant, empreint de mystères et de
merveilleux aux côtés du sordide et du misérable. On oscille entre le roman
victorien et les références aux œuvres de Dickens, le tout servi par des
rebondissements plus incroyables les uns que les autres, comme dans un roman
policier.
« Il était un fleuve » est l’histoire trépidante d’hommes
et de femmes, quelque part au milieu du XIXè siècle, sur les berges de la Tamise, en
butte avec leurs chagrins, leurs espoirs, leurs illusions perdues, leurs croyances,
leur mode et leurs choix de vie. Diane Setterfield met en scène une galerie de
personnages dont l’épaisseur donne corps au roman.
L’inconnu s’avère être Henry Daunt, photographe dont la
passion est de prendre en photo la Tamise et ses berges dont il apprécie les changements
de lumière au cours de la journée et des saisons. Ses clichés dégagent une âme
qui parle à ceux qui les regardent avec attention. Il s’est retrouvé coincé
dans les remous avec son bateau quand il a voulu accoster pour soigner la
fillette récupérée dans l’eau.
Rita Sunday, orpheline élevée dans un couvent, a appris très
vite à soigner les gens, à connaitre les remèdes et à apprendre les gestes pour
réparer les corps et leurs tissus. Elle a choisi le célibat pour ne pas mourir
un jour en couches et décidé de vouer sa vie à aider ses semblables. Elle est l’esprit
éclairé, la scientifique du roman : elle ne croit que ce qu’elle voit et
parfois ce qu’elle voit est si incompréhensible qu’elle se lance dans des
recherches pour comprendre ce qui titille ses questionnements. Tout mystère a
une explication rationnelle… parfois la théorie est bousculée par un élément
appartenant au merveilleux. C’est ce qui arrive au Swan, lors de cette nuit du
solstice d’hiver.
La petite fille noyée, source de mystère en revenant à la vie,
est reconnue comme étant Amélia Vaughan, disparue depuis deux ans. Du moins, Mme
Vaughan en est-elle persuadée. Nombreux sont les faisceaux qui se rejoignent pour
le croire. Or, il y en a autant pour rejeter l’assertion, notamment l’hésitation
de Mr Vaughan à chaque fois qu’il prononce le prénom de sa fille Amélia. Ne
serait-elle pas plutôt Alice, la fillette disparue de Robin Amstrong, fils du
propriétaire terrien prospère, bâtard d’un noble et d’une servante noire ?
Ce Robin qui ressemble beaucoup aux personnages fourbes et prêts à tout que l’on
trouve chez Dickens… sordide, immoral et insane.
Une course à la paternité prend corps au cours de laquelle le
mystère de la disparition de la petite Amelia sera levé. Qui est le père :
celui qui conçoit l’enfant ou celui qui l’élève et l’éduque ? L’inné
peut-il être atténué par l’acquis dispensé par les valeurs et l’éducation reçues ?
L’atavisme peut-il peser longtemps sur les enfants ?
Et le Silencieux, ce passeur qui aide les bateliers en perdition
à rejoindre la rive : celle de la vie quand l’heure n’a pas encore sonné
ou l’autre rive quand il est temps de rejoindre l’autre monde. Tel un Charon,
il apparaît pour guider les âmes en péril. On dit qu’il est à la recherche de
sa fille, on dit qu’il aide aussi à retrouver l’être cher. Il est l’élément du
merveilleux qui offre le gué entre les mondes existants.
« Il était un fleuve » est un roman savamment construit
fait de méandres, de remous, de multiples ramifications. Il m’a emportée dans
son courant auquel il est difficile de résister : les mystères se nouent
et se dénouent au prix de nombreuses souffrances et de deuils. Un voyage
extraordinaire et enchanteur.
Traduit de l’anglais par Carine Chichereau
Quelques avis :
Babelio Nicole Nadège Sens critique Cannetille Diacritik Auryn
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2 commentaires:
J'ai lu un roman de cette romancière ( le treizième conte, je crois) qui m'avait beaucoup plu. Je ne savais pas qu'elle avait écrit celui-ci, je note...
Oh il semble bigrement interessant ce livre...tu nous titilles....
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